L’Europe a fait un (petit) pas supplémentaire dans sa marche vers l’espace et l’indépendance. La fusée Spectrum, mise au point par une start-up allemande, a décollé ce dimanche 30 mars depuis la base spatiale norvégienne d’Andøya, au-dessus du cercle polaire arctique. Il s’agit du premier tir vertical d’un véhicule orbital sur le continent européen, hors Russie. Jusqu’à présent, ces lancements ne concernaient que des fusées suborbitales - qui ne dépassent pas ou pas longtemps la limite entre l’atmosphère terrestre et l’espace, à une centaine de kilomètres d’altitude.
Mais ce vol test - qui avait été reporté lundi en raison de conditions météo défavorables - n’a guère duré. Au bout de quelques secondes de vol, l’engin a commencé à osciller, s’est retourné puis est retombé à terre, générant un puissant bruit d’explosion, selon des images diffusées en direct sur Youtube.
LAUNCH! Isar Aerospace's Spectrum rocket launches from the Orbital Launch Pad at the Andøya Space Center in Norway.
— NSF - NASASpaceflight.com (@NASASpaceflight) March 30, 2025
Overview:https://t.co/64HcC1kqIH
Live Isar/NSF:https://t.co/aGH02uqNum
And failed early in first stage flight. That's why it's a test flight. pic.twitter.com/SfolnqhtBu
«Chaque seconde de vol est précieuse, car elle nous permet de recueillir des données et de gagner en expérience. Trente secondes de vol seraient déjà un vrai succès», expliquait Daniel Metzler, cofondateur et patron d’Isar Aerospace. «Nous ne nous attendons pas à atteindre l’orbite avec ce test. En réalité, aucune entreprise n’a encore réussi à placer son tout premier lanceur orbital en orbite. SpaceX [du milliardaire Elon Musk, ndlr] a eu besoin de quatre tentatives, mais nous voulons aller plus vite», avait-il ajouté.
Micro et mini-lanceurs
«Quel que soit le résultat, le lancement de Spectrum marquera une étape importante, puisqu’il s’agit du premier lancement d’un lanceur européen entièrement sous responsabilité privée. Nous soutenons pleinement cette dynamique», soulignait Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l’Agence spatiale européenne (ESA).
Avec ses 28 mètres de haut pour deux mètres de diamètre et une capacité d’emport d’une tonne, cet engin est moins imposant que d’autres mammouths des pas de tir. Moins chers, les micro et mini-lanceurs comme Spectrum, généralement développés par des acteurs privés, représentent un complément bienvenu pour la mise en orbite de constellations de satellites miniaturisés destinés par exemple à l’observation de la Terre ou à la couverture internet.
Fondée en 2018, la start-up munichoise Isar Aerospace se targue d’avoir développé son lanceur de deux étages quasi intégralement en interne. Elle a d’ores et déjà signé un contrat avec l’agence spatiale norvégienne pour la mise en orbite d’ici 2028 de deux satellites de surveillance maritime.
Décryptage
«L’essor de ces nouveaux acteurs et des nouveaux services de lancement européens s’inscrit dans un objectif commun : garantir un accès indépendant et souverain à l’espace. Leur rôle devrait se renforcer dans les années à venir», affirmait Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l’Agence spatiale européenne (ESA).
L’espace occupe une place importante dans la quête de compétitivité de l’Union européenne. Privée d’accès aux cosmodromes et aux lanceurs russes à cause des graves tensions avec Moscou, l’Europe a connu une mauvaise passe à cause des retards dans le développement de la fusée Ariane 6 et une suspension du lanceur Vega-C après un accident. Ce n’est que le 6 mars, avec le premier vol commercial d’une Ariane 6 depuis Kourou en Guyane français, qu’elle a retrouvé sa souveraineté spatiale après plusieurs mois sans accès indépendant à l’espace.
Projets de ports spatiaux
Sur un marché européen qui cherche à rattraper son retard sur les américains SpaceX et Blue Origin (Jeff Bezos), Isar Aerospace, ses compatriotes HyImpulse et Rocket Factory Augsburg (RFA), les français Latitude et MaiaSpace (filiale d’Arianegroup) ou encore l’espagnol PLD Space sont engagés dans une course de vitesse pour s’imposer comme des acteurs incontournables du secteur.
Parallèlement, des Açores portugaises aux Shetland britanniques en passant par Andøya ou Esrange en Suède voisine, de multiples projets européens de ports spatiaux prennent forment, souvent déterminés à tirer les premiers. Se présentant comme «le premier port spatial opérationnel d’Europe continentale», la base d’Andøya vante de son côté son emplacement dans l’Arctique, idéal pour le lancement de satellites polaires ou héliosynchrones, c’est-à-dire qui passent au-dessus de n’importe quel point de la planète à la même heure solaire locale chaque jour.
Mise à jour : ce dimanche 30 mars à 12h50, avec l’ajout du décollage de la fusée.