Douze ans de prison pour un virement de 51 dollars (46 euros). Un tribunal russe a condamné jeudi 15 août une citoyenne russo-américaine à cette peine de prison pour «haute trahison». Il lui est reproché, selon les médias russes, d’avoir lors des tout premiers jours du conflit envoyé environ 51 dollars à l’ONG Razom, qui fournit une assistance matérielle à l’Ukraine.
«Le tribunal a déclaré Ksenia Karelina coupable de haute trahison et l’a condamnée à douze ans d’emprisonnement», a indiqué le tribunal régional de Sverdlovsk dans l’Oural, où cette femme de 32 ans était jugée à huis clos. Le tribunal a assuré que ces fonds ont été «utilisés pour l’achat d’équipement médical, d’armes et de munitions par les forces armées ukrainiennes». «Au cours du procès, l’accusée a entièrement avoué sa culpabilité», a affirmé la cour. Quelques jours plus tôt, le parquet avait requis contre elle quinze ans de réclusion dans un camp pénitentiaire à régime normal.
Arrêtée lors d’une visite auprès de ses grands-parents
«Ce n’est rien d’autre que de la cruauté rancunière. On parle de 51 dollars donnés pour les personnes qui souffrent en Ukraine et qualifier cela de ‘‘trahison’’ est absolument ridicule», a rapidement réagi un porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby.
Une vidéo diffusée par le tribunal montre Ksenia Karelina dans la cage de verre réservée aux accusés, vêtue d’un pull blanc et d’un jean, en train d’écouter la lecture du verdict. Son avocat Mikhaïl Mouchaïlov a annoncé que sa cliente prévoyait de faire «partiellement appel du verdict», selon l’agence de presse Interfax. Dans une lettre diffusée par son avocat sur les réseaux sociaux, Ksenia Karelina remercie les personnes la soutenant.
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La jeune femme est originaire d’Ekaterinbourg, dans l’Oural en Russie, mais vivait en Californie aux Etats-Unis, où elle a émigré il y a plus de dix ans et obtenu la nationalité américaine. Elle avait été arrêtée en février en Russie, où elle s’était rendue pour rendre visite à ses grands-parents. Selon les médias russes, les agences des forces de sécurité russes avaient découvert le don en faveur de l’Ukraine sur son téléphone.
Des milliers de personnes sanctionnées, menacées ou emprisonnées
Cette condamnation intervient alors que les Etats-Unis accusent Moscou de chercher spécifiquement à emprisonner des Américains en Russie pour récupérer en échange des Russes détenus dans des pays occidentaux. Le plus grand échange de prisonniers depuis la Guerre froide entre Moscou et les Occidentaux a eu lieu le 1er août, permettant la libération notamment de journalistes américains et d’opposants russes détenus en Russie contre celle d’espions emprisonnés en Occident.
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La Russie compte toujours dans ses prisons plusieurs étrangers et binationaux, parmi lesquels le Français Laurent Vinatier, travaillant pour une ONG suisse de résolution des conflits. Suspecté d’avoir illégalement récolté des informations sur les activités militaires de la Russie, il est formellement poursuivi pour ne pas s’être enregistré comme «agent de l’étranger», délit passible de cinq ans de prison.
Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022, des milliers de personnes ont été sanctionnées, menacées ou emprisonnées en raison de leur opposition au conflit. Les procès pour «trahison», qui sont toujours assortis de lourdes peines, se sont multipliés.