La dette russe adjugée aux enchères ? Un conseil de créanciers organise ce lundi une vente aux enchères de titres russes. Une situation qui entérine définitivement la situation de défaut de paiement du pays, et sur laquelle Moscou n’a pas eu son mot à dire.
Ces enchères sont à l’initiative d’un conseil peu connu, le Credit Derivatives Determinations Committee (CDDC), un consortium de banques internationales. L’objectif d’une telle vente est de déterminer le prix qui va être payé aux investisseurs ayant souscrit à une assurance les protégeant du risque de défaut de paiement en Russie. En langage économique, il s’agit de «Credit Default Swaps» (CDS).
Pourquoi une telle mesure ? Depuis le printemps dernier et la mise en place des sanctions occidentales, les titres russes ne peuvent plus être échangés sur les marchés financiers internationaux, ce qui empêche la capacité de remboursement des investisseurs.
Long processus
La vente va être organisée en deux temps. Ce lundi, huit obligations seulement sont mises aux enchères, ce qui permettra d’évaluer la confiance des investisseurs dans les titres de dette. Pour cela, les Etats-Unis ont exceptionnellement autorisé les transactions en dollars sur ces huit obligations russes en devises étrangères entre le 8 et le 22 septembre, malgré les sanctions.
Ensuite, la seconde étape se basera sur la première pour définir le prix définitif des obligations sur la dette russe et ainsi déterminer le montant de la perte de valeur des bonds du trésor russe. «Le prix final de ces enchères déterminera le montant de recouvrement sur les CDS», explique de la banque américaine JPMorgan, qui évalue l’ensemble des assurances contre le défaut russe à 2,37 milliards de dollars. Le processus est donc particulièrement long, d’autant plus que la vente aux enchères avait été annoncée il y a plus de trois mois.
Le précédent grec
Ce n’est pas la première fois que la dette d’un pays se retrouve au cœur d’une vente aux enchères. Par exemple, les transactions de CDS de la Grèce en circulation avaient fait l’objet d’une vente similaire en 2012.
Pourtant, contrairement à la situation hellénique de 2012, la dette russe libellée en dollars est très faible puisqu’elle représente environ 36 milliards d’euros, tandis que sa dette totale représente 20% de son PIB. Une goutte d’eau en comparaison des 2 000 milliards d’euros de la dette française. D’autant plus que Moscou dispose d’importantes réserves de devises en dollars, notamment grâce aux afflux de la vente d’hydrocarbures dont les prix ont flambé. Si le pays est en défaut de paiement, une situation qu’il n’avait pas connu depuis 1918, ce n’est donc pas parce qu’il n’a pas la capacité économique de rembourser, mais parce qu’il n’a plus accès aux marchés internationaux et ne peut plus utiliser ses dollars. Ainsi, le Kremlin s’insurge depuis plusieurs mois contre un défaut qu’il qualifie d’«illégitime» car précipité par les sanctions.
Une note dégradée depuis mars
Avec le contexte des sanctions internationales, la situation était pourtant prévisible. Puisque la Russie est coupée des marchés internationaux, elle ne peut pas y échanger ses titres de dettes, ni utiliser les dollars ou encore emprunter. Au début de la guerre, les agences de notation comme Fitch avaient abaissé la note de la Russie de B à C, la plaçant dans la catégorie des pays qui ne peuvent potentiellement plus rembourser leur dette. Pour justifier l’abaissement de sa note, Fitch évoquait notamment le décret présidentiel du 5 mars qui autorisait la Russie à rembourser certains emprunts en roubles plutôt qu’en dollars. Or, un remboursement dans une autre devise que le libellé en dollars expose le débiteur à un défaut sur sa dette.
Désormais, les agences ne sont plus en mesure d’évaluer la Russie, et il revient donc au consortium CDDC de surveiller les paiements de la Russie à ses créanciers. Début juin, il a déterminé que Moscou n’avait pas honoré certains paiements sur sa dette. Dès lors, certains emprunts en cours ont perdu jusqu’à 50% de leur valeur. D’où l’importance pour les investisseurs de pouvoir rapidement activer le mécanisme d’assurance, et d’évaluer au plus vite grâce à une vente aux enchères le prix du marché de bons du Trésor russes. Reste à savoir si la perte de prestige économique dû à cette enchère pourrait compromettre le retour de la Russie sur les marchés financiers, malgré son important niveau de réserve de changes.