Au cœur de la nuit sans lune, face à sa console, lunettes 3D sur le nez, un joystick dans chaque main, Cyprien (1) guide la perche télescopique vers le trou du réservoir du F-16. Sur l’écran en noir et blanc, on voit parfaitement le pilote de chasse portugais, sanglé et casqué sous sa verrière, volant à 800 km/heure à une quinzaine de mètres seulement derrière l’A330 MRTT. L’opérateur de ravitaillement lui envoie des consignes par le biais de signaux lumineux. «Connecté», annonce Cyprien, quand le dard du ravitailleur se glisse dans le réservoir du receveur. Ce que l’auteur de polar américain Tom Clancy appelle «un rapport sexuel entre deux avions» à 6 000 mètres d’altitude peut commencer.
L’Airbus a quitté Istres, dans les Bouches-du-Rhône, deux heures plus tôt. Grande comme un quart de Paris, avec une des plus longues pistes d’atterrissage d’Europe, la base aérienne 125 est devenue le «hub des armées», par lequel transitent les vols militaires français. Cet après-midi d’octobre, le terminal passager flambant neuf est désert. Sur le tarmac, douze avions ravitailleurs sagement rangés. Les MRTT (pour «Multi Role Tanker Transport»), des Airbus A330-200 transformés, peints en gris et baptisés «Phénix» par l’armée française de l’air et de l’espace, peuvent être configurés pour le transport de VIP, de militaires avec leur équipement, pour l’évacuation de blessés ou pour le ravitaillement en vol, notamment celui des Rafale porteurs de l’arme nucléaire. Ce jour-là, on