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Sécurité alimentaire

Exportations de céréales: un accord entre Kyiv et Moscou signé, la communauté internationale soulagée

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Les deux parties ont réussi à se mettre d’accord ce vendredi sur la reprise des exportations de céréales. Près de 25 millions de tonnes sont bloquées dans les ports ukrainiens.
En avril, seules 647 000 tonnes de blé ont pu être exportées, contre 5 à 7 millions par mois à la même période en 2021. (Sergey Bobok/AFP)
publié le 22 juillet 2022 à 20h13

Arraché in extremis à Istanbul, dans l’enceinte du palais de Dolmabahçe sur les rives du Bosphore, l’accord signé ce vendredi entre Kyiv et Moscou sur les exportations de céréales ukrainiennes apparaît comme un soulagement pour la sécurité alimentaire mondiale. Depuis le début du conflit, le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe, Odessa en tête, empêche l’acheminement de 20 à 25 millions de tonnes de céréales dans le monde, ce qui agite le spectre de famines et de crises alimentaires. L’Afrique et le Moyen-Orient sont les régions les plus dépendantes, le Pakistan importe plus de 80% de blé depuis l’Ukraine, par exemple, le Liban 60%, la Tunisie plus de 40%.

Avant la guerre, 90% des exportations de grain d’Ukraine partaient par la mer Noire. En avril, seulement 647 000 tonnes ont pu être exportées, contre 5 à 7 millions par mois à la même période en 2021. Lundi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, indiquait que la reprise des exportations devenait une «question de vie ou de mort». Selon le Programme alimentaire mondial, 47 millions de personnes supplémentaires sont exposées à une «faim aiguë» depuis le 24 février.

«En cas de provocation, riposte militaire immédiate»

Sous la houlette du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui tente de se poser en médiateur entre les deux parties, et du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, les délégations russe et ukrainienne sont donc parvenues à un accord, permettant la mise en place de couloirs sécurisés afin de laisser naviguer les cargos marchands en mer Noire, que «les deux parties se sont engagées à ne pas attaquer», a précisé un responsable des Nations unies. L’accord sera valable pendant cent vingt jours, soit quatre mois, le temps de sortir les quelque 25 millions de tonnes entassées dans les silos d’Ukraine, alors qu’une nouvelle récolte approche. António Guterres a félicité Moscou et Kyiv qui ont «surmonté leurs divergences pour faire place à une initiative au service de tous». Toutefois, les deux belligérants ont paraphé deux textes identiques mais séparés, à la demande des Ukrainiens qui refusaient de signer tout document directement avec les Russes. Et ont donc apposé leur paraphe au côté de ceux des représentants de l’ONU et de la Turquie.

L’accord doit désormais être mis en œuvre le plus rapidement possible. Kyiv a suggéré que les exportations commencent à partir de trois ports, espérant pouvoir accroître leur nombre à moyen terme : Odessa, Pivdenny, Tchornomorsk. Ce week-end, un centre de coordination conjoint doit être établi avec des représentants de toutes les parties et de l’ONU, tandis que des inspections des navires au départ et en direction des ports ukrainiens auront lieu sous son contrôle, afin de rassurer Moscou qui craint que les cargos n’acheminent des armes à l’Ukraine. Selon le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, les conditions sont réunies pour que l’accord soit appliqué «dans les prochains jours».

Les négociateurs ont renoncé à nettoyer la mer Noire des mines posées par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes. Et ce, malgré la proposition de la Turquie d’aider au déminage. D’après l’ONU, des «pilotes ukrainiens» ouvriront la voie aux cargos dans les eaux territoriales. «Pas d’escorte russe et pas de présence russe dans nos ports. En cas de provocation, riposte militaire immédiate», a tweeté Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne.

Efforts diplomatiques

Les tentatives diplomatiques de lever le blocus ont commencé dès le mois d’avril, et se sont intensifiées au mois de juin, puis ces derniers jours. Le 13 juillet, des responsables militaires russe, ukrainien et turc se rassemblaient à Istanbul, réunion qui avait suscité un certain optimisme. Puis, à l’issue du sommet tripartite Iran-Russie-Turquie organisé mardi à Téhéran, Moscou avait réitéré ses exigences concernant l’application des sanctions occidentales. L’accord signé assure que celles-ci ne pèsent pas, ni directement ni indirectement, sur les exportations russes de produits agricoles et d’engrais. Les Etats-Unis ont précisé que des bateaux de gros tonnage seraient fournis à la Russie pour faciliter l’exportation de ses propres céréales et engrais.

A eux deux, l’Ukraine et la Russie concentrent 30% du commerce mondial de blé, dont près de 400 millions de personnes dépendent. L’Ukraine représente 12% des exportations de blé, avec 20% de maïs et 20% de colza, et plus de la moitié des exportations mondiales de tournesol. Depuis le début du conflit, le prix du blé a augmenté de 60%. La signature de l’accord devenait des plus urgentes.