La société israélienne n’est plus la seule à se mobiliser contre la coalition d’extrême droite de Benyamin Nétanyahou. La diaspora juive, qui évite généralement de commenter la politique israélienne, commence à s’agiter en Europe et aux Etats-Unis, inquiète de la dérive d’un Etat qu’elle considérait jusqu’alors comme une démocratie à toute épreuve. JCall, le réseau juif européen pour Israël et pour la paix, et le CCLJ, le Centre communautaire laïc juif, vont ainsi lancer ce lundi soir au Parlement européen, à Bruxelles, un appel à «sauver la démocratie israélienne».
«En 2010, nous lancions un “Appel à la raison” pour exprimer notre inquiétude face à l’enlisement du “processus de paix” et les menaces qu’il faisait peser sur la survie même d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique, expliquent les deux organisations dans un communiqué. Treize ans plus tard, nos pires pronostics se matérialisent sous nos yeux et l’inquiétude s’est muée en angoisse. La coalition d’extrême droite issue des élections du 1er novembre dernier démolit non seulement toute chance de règlement du conflit israélo-palestinien, mais les fondements même de l’Etat de droit israélien. Ce que les saboteurs n’ont pas prévu, c’est la vigueur de la réaction de la société civile. Ce puissant mouvement de résistance civique, nous devons le soutenir de toutes nos forces.»
Pour appuyer cet appel, seront présents à Bruxelles des personnalités comme le philosophe Alain Finkielkraut, le député européen Bernard Guetta, l’historien Elie Barnavi, la journaliste Anne Sinclair et, par vidéo, l’ex-ministre français de la Justice et ex-président du Conseil constitutionnel Robert Badinter, le président du conseil de surveillance de Publicis Maurice Lévy, l’ex-ministre israélienne de la Justice et des Affaires étrangères Tzipi Livni et l’ex-membre du Conseil constitutionnel en France Dominique Schnapper. «On se mobilise pour les Ukrainiens ou la démocratie américaine et l’on se tairait devant ce projet de réforme du gouvernement Nétanyahou qui est une mise à bas du système judiciaire en Israël ? déclarait dimanche Anne Sinclair à Libération. On ne peut pas rester les bras croisés devant ce qui se passe en Israël. Regardez ces femmes qui ont manifesté habillées en servantes écarlates, elles redoutent l’avènement d’un judaïsme qui dénaturerait le judaïsme lui-même. Quand en Israël on entend parler de pogrom, c’est une véritable gifle lancée aux Juifs du monde entier et au judaïsme lui-même. Le salut viendra de la mobilisation de la société civile israélienne mais nous, nous devons être là pour les soutenir.»
Preuve que l’heure est grave, le nouveau président du Crif lui-même, Yonathan Arfi, dans des propos certes très policés, n’a pas hésité récemment à tirer la sonnette d’alarme sur la fragilité de la démocratie en Israël. «Elle s’affaiblit lorsque l’Etat de droit est débordé par une minorité lors des inacceptables violences à Huwara en vengeance de l’attentat commis quelques heures plus tôt. […] Elle s’affaiblit aussi lorsque surgissent des discours populistes, stigmatisants et haineux dans le débat public israélien et ce, jusque dans les propos de certains ministres en poste. Ils ne sont acceptables dans aucune démocratie.» Comme le résume Ilan Rozenkier, membre de La Paix Maintenant, «un Israël illibéral, état bananier promouvant des lois personnelles privilégiant les politiques et leurs copains, n’est pas, n’est plus l’Israël que nous connaissions.»