C’est la première fois que des humanitaires étrangers sont victimes du conflit entre Israël et le Hamas. Sept collaborateurs d’une organisation non-gouvernementale américaine, World Central Kitchen, qui livre de la nourriture dans la bande de Gaza, ont été tués dans une frappe israélienne lundi 1er avril, selon son fondateur.
Ce mardi 2 avril, Benyamin Nétanyahou a reconnu l’existence de ces frappes mortelles, mais a souligné qu’elles étaient «non intentionnelles». Depuis l’hôpital où il a subi dimanche soir une intervention pour une hernie, le Premier ministre israélien a expliqué que dans cet «incident tragique», ses forces ont «frappé de façon non intentionnelle des innocents dans la bande de Gaza. Cela arrive dans une guerre, nous allons vérifier jusqu’au bout, nous sommes en contact avec les gouvernements et ferons tout pour que cela ne se reproduise plus jamais».
«Cœur brisé»
«Aujourd’hui, World Central Kitchen a perdu plusieurs de ses sœurs et frères dans une frappe de l’armée israélienne à Gaza», avait déclaré lundi sur X (ex-Twitter) le patron et fondateur de cette ONG basée aux Etats-Unis, le cuisinier américano-espagnol José Andrés.
Today @WCKitchen lost several of our sisters and brothers in an IDF air strike in Gaza. I am heartbroken and grieving for their families and friends and our whole WCK family. These are people…angels…I served alongside in Ukraine, Gaza, Turkey, Morocco, Bahamas, Indonesia. They… https://t.co/rM3xbsiQ1Q
— Chef José Andrés 🕊️🥘🍳 (@chefjoseandres) April 1, 2024
Ils ont été tués «alors qu’ils travaillaient pour soutenir notre œuvre humanitaire de livraison de nourriture à Gaza», selon un communiqué distinct de l’organisation, dénonçant une «tragédie». Les Etats-Unis, qui prennent de plus en plus leurs distances avec leur allié israélien après quasiment six mois de guerre dans la bande de Gaza, se sont déclarés «profondément troublés» par cet événement.
«Nous avons le cœur brisé et sommes profondément troublés par la frappe», a déclaré sur le réseau social X la porte-parole du Conseil de sécurité nationale, qui dépend de la Maison Blanche, Adrienne Watson. «Les travailleurs humanitaires doivent être protégés, car ils apportent une aide dont (les Palestiniens) ont désespérément besoin, et nous exhortons Israël à promptement enquêter sur ce qu’il s’est passé», a-t-elle ajouté.
De son côté, le chef de la diplomatie française Stéphane Séjourné a exprimé la «condamnation ferme» de la France après «la frappe israélienne qui a conduit à la mort de sept humanitaires» de l’ONG américaine World Central Kitchen tués à Gaza. «La protection des humanitaires est un impératif moral et juridique auquel tout le monde doit se tenir», a déclaré Stéphane Séjourné lors d’une conférence de presse avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, avant d’ajouter : «Rien ne justifie une telle tragédie.» De son côté, son homologue américain a réclamé mardi une enquête «rapide et impartiale» des autorités israéliennes sur la mort des sept humanitaires.
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Le ministère de la Santé du Hamas a fait état de cinq victimes arrivées dans un hôpital de Deir el-Balah, après «une frappe aérienne israélienne ayant visé un véhicule de l’organisation américaine World Central Kitchen» dans le centre de la bande de Gaza. «Ils possèdent la nationalité britannique, australienne et polonaise et la quatrième nationalité n’est pas connue», a rapporté dans un autre communiqué cette source du Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, précisant que la cinquième personne était un chauffeur et traducteur palestinien. L’ONG World Central Kitchen confirme dans un communiqué, que, parmi les victimes figurent des ressortissants «d’Australie, de Pologne, du Royaume-Uni, un citoyen ayant la double nationalité américaine et canadienne et une personne palestinienne».
Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a confirmé qu’une Australienne, Zomi Frankcom, figurait parmi les victimes. «C’est complètement inacceptable. L’Australie exige que tous les responsables de la mort de travailleurs humanitaires rendent des comptes», a-t-il déclaré. Un correspondant de l’AFP a vu à l’hôpital des Martyrs d’Al Aqsa de Deir el-Balah cinq corps et trois passeports étrangers près des dépouilles. Des images de ces corps et des passeports circulent également sur les réseaux sociaux.
Un «incident tragique» selon l’armée israélienne
L’armée israélienne a dit «passer en revue l’incident tragique au plus haut niveau pour en comprendre les circonstances» et indiqué qu’elle allait ouvrir «une enquête» pour déterminer les circonstances de la frappe meurtrière. «Cela nous aidera à limiter le risque qu’un tel événement se reproduise», a déclaré le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l’armée, ajoutant s’être entretenu avec le fondateur de l’ONG, le chef hispano-américain José Andrés.
L’officier a indiqué lui avoir exprimé «les plus sincères condoléances de l’armée israélienne aux familles et à la grande famille de World Central Kitchen». Dans son message, Daniel Hagari évoque «la noble mission (de WCK) consistant à apporter de la nourriture et de l’aide humanitaire à la population de Gaza». «WCK était aussi venu en aide aux Israéliens après le massacre du 7 octobre ; ils ont été parmi les premières ONG arrivées ici», a-t-il ajouté. «Nous irons jusqu’au bout [de cette affaire, NDLR] et nous partagerons nos constatations en toute transparence», a-t-il encore dit.
L’armée israélienne a assuré avoir «travaillé en étroite collaboration avec WCK» pour sa distribution d’aide. World Central Kitchen est impliquée dans l’envoi d’aide par bateau de Chypre vers Gaza et dans la construction d’une jetée temporaire dans le territoire palestinien assiégé. Un premier bateau y avait déchargé sa cargaison mi-mars sous la supervision de l’armée israélienne. L’ONG d’aide alimentaire World Central Kitchen a déclaré suspendre ses activités dans la région après la frappe à Gaza.
Mise à jour : à 14 h 24 avec la déclaration de Benyamin Nétanyahou.
Mise à jour : à 16 h 26 avec la réaction de la France.