L’atmosphère est tamisée. Contre le mur du fond, un grand disque strié rappelle le calendrier aztèque. Derrière le comptoir du Tlecan, aucune bouteille en présentation, comme pour ajouter au mystère. Les serveurs parlent tous anglais ; il faut bien contenter le public principalement nord-américain de la mezcalería classée vingtième meilleur bar au monde selon «50th Best Bars», leader du milieu (la première place est occupée par un autre bar de Mexico). Hors de question de demander le prix du mezcal minéral, fumé, terreux qu’on sert ici ; ça ne fait pas très «Roma».
Dans ce quartier de la capitale mexicaine autrefois résidentiel, bohème et désormais chic, les bars et restaurants hipsters ont fleuri et sont désormais réservés aux Mexicains fortunés, aux touristes et aux résidents américains. «Ici, tous les bars sont pleins. A L.A., ils seraient tous vides», lance Karim, venu de Los Angeles. Il trinque avec son mari. «On est venus signer notre nouvel appartement dans la Roma. Oui, on est venus gentrifier un peu plus Mexico !» lance dans un rire gêné John, au fait de l’actualité : le 4 juillet, jour de l’indépendance des Etats-Unis, des manifestants anti-gentrification ont défilé dans les quartiers en vogue de la capitale pour finir au parc de Chapultepec, poumon vert grand comme deux fois Central Park à New York. Les remarques visaient la hausse des loyers, la «touristification» et l’américanisation de Mexico, aux cris de «Gringos go home», «Tais-toi l’Américain