Benyamin Nétanyahou persiste en signant lundi une tribune dans le Wall Street Journal. «Le Hamas doit être détruit, la bande de Gaza démilitarisée et la société palestinienne déradicalisée», écrit le Premier ministre israélien dans son texte intitulé «Les trois prérequis pour la paix». Un programme fort ambitieux, d’autant que le premier objectif, invariablement réitéré depuis le 7 octobre, de «l’élimination» ou du «démantèlement» du Hamas ne semble pas près d’être réalisé. L’intensification annoncée par Nétanyahou dimanche de l’offensive déjà dévastatrice sur Gaza a fait, selon les chiffres donnés par le Hamas, un nombre record de 250 morts civils en vingt-quatre heures, portant à près de 21 000 le bilan total des victimes des frappes israéliennes.
Une hécatombe qui n’empêche pas les forces du Hamas de revendiquer de nouvelles attaques contre Tsahal sur le terrain. Triomphalistes, les communiqués quotidiens des brigades al-Qassam, branche armée du Hamas et autres groupes combattants de «la résistance», selon le terme utilisé, vantent leur tableau de chasse. «Cinq engins militaires visés et détruits à Jabalia [nord de Gaza] sur les axes d’avancée de l’armée israélienne», clamait un bulletin mardi matin, qui mentionnait deux militaires israéliens tués et une quarantaine de blessés dans les combats au cours des dernières vingt-quatre heures dont huit dans le camp d’Al-Bureij, au centre de l’enclave, dans l’explosion de l’entrée d’un tunnel. Tandis que l’armée israélienne diffuse les images de tunnels de plus en plus impressionnants dans les sous-sols de Gaza, on n’y voit ni combattants ni arsenal significatif.
La «résistance armée» approuvée
Pendant que les organisations internationales continuent leurs appels alarmants sur la situation humanitaire dans l’enclave, les deux belligérants poursuivent leurs combats avec une indifférence quasiment égale pour les vies civiles. Tout en dénonçant la brutalité des frappes israéliennes sur la population et les infrastructures civiles, les autorités du Hamas poursuivent leurs priorités guerrières sans chercher à protéger les habitants de Gaza. Les pertes humaines étant considérées comme un sacrifice nécessaire.
La voie de la lutte armée comme seul moyen de s’opposer à Israël a gagné des partisans parmi les Palestiniens et dans toute la région. «Le peuple palestinien proclame désormais : “le Hamas nous représente”», déclarait fin octobre Hussein Abou Kwaik. «Nous menons une résistance légitime contre l’occupation en Cisjordanie. Notre objectif n’est pas la guerre, mais la libération de notre terre et le recouvrement de nos droits», précisait l’un des derniers cadres du Hamas à Ramallah, avant d’être arrêté le 15 novembre.
Bien plus que le Hamas, ce sont les brigades Al-Qassam, son aile militaire qui a mené l’attaque du 7 octobre, qui a gagné l’adhésion de l’opinion arabe. «Abou Obeïda, nous sommes tous tes hommes !» ont scandé les manifestants à Amman en Jordanie, à l’adresse du porte-parole militaire des brigades. L’homme enturbanné, au visage masqué d’un keffieh palestinien qui rend compte quotidiennement des opérations sur le terrain, fait figure de nouveau héros parmi les jeunes.
Même les opposants les plus farouches à l’islamisme et aux méthodes du Hamas parmi les Palestiniens ou les Arabes, y compris dans l’intelligentsia, défendent la «résistance» contre Israël. La paralysie de toute voie de règlement politique de la question palestinienne depuis plus de dix ans a ramené celle-ci sur le devant de la scène mondiale depuis le 7 octobre, considèrent les déçus des processus de paix. «L’attaque du Hamas a retourné la table au Moyen-Orient», selon l’expression qui revient dans les débats télévisés sur les chaînes arabes, y compris dans la bouche de ceux qui déplorent le massacre des civils israéliens commis ce jour-là.
Une popularité moindre chez les Gazaouis
«La crédibilité et l’influence du Hamas ont remarquablement progressé dans les deux mois qui ont suivi le 7 octobre, indiquent plusieurs analyses d’agences de renseignement américaines, citées par CNN. Face à l’offensive israélienne sans relâche qui a tué des milliers de civils à Gaza, le mouvement a réussi à se présenter comme le seul groupe armé à se battre contre un oppresseur brutal qui tue femmes et enfants.» Selon les experts, le conflit a des chances de «rehausser l’influence du Hamas encore davantage hors de Gaza qu’à l’intérieur où des années de mauvaise gouvernance ont installé la méfiance à l’égard du mouvement».
En effet, c’est parmi les habitants de Gaza que le Hamas semble le moins populaire aujourd’hui. Il était déjà impopulaire avant le 7 octobre pour sa corruption et sa gestion calamiteuse de l’enclave. Et depuis le début de la riposte israélienne, il est accusé d’avoir provoqué la tragédie. «Ce n’était pas brillant avant. Mais au moins, on vivait», entend-on de plus en plus parmi les Gazaouis, aujourd’hui déplacés, affamés, martyrisés et que le Hamas n’a même pas songé à abriter dans ses fameux tunnels.