«Le pire est à venir.» A l’occasion d’un troisième entretien téléphonique avec Vladimir Poutine depuis le déclenchement de l’offensive russe, le 24 février, Emmanuel Macron a exprimé ce jeudi son inquiétude. Selon l’Elysée, le maître du Kremlin aurait l’intention de «prendre le contrôle de la totalité de l’Ukraine». Ces affirmations font craindre une sévère détérioration de la situation dans les jours à venir. Pour les quelques centaines de Français encore présents dans le pays et leurs proches, l’angoisse de la guerre se mêle à la colère. Certains se demandent si la France a fait le nécessaire pour assurer leur évacuation d’un pays en guerre.
Une première opération d’évacuation a été organisée ce jeudi, au départ de Kyiv. Des bus ont été affrétés au départ de la capitale pour gagner la frontière polonaise, en passant par Lviv, la grande ville de l’ouest du pays. Quelque 600 Français seraient déjà sortis ou sont en passe de quitter l’Ukraine, sur le millier qui s’y trouvaient avant le début de la guerre, selon le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Selon lequel les ressortissants français «sont tous en relation directe avec le centre de crise et notre ambassade». Cette dernière a été délocalisée à Lviv mardi. «L’ambassade de France en Ukraine est à nouveau opérationnelle», a écrit sur Twitter l’ambassadeur Etienne de Poncins, mercredi.
Colère
«Il est allé se réfugier là-bas sans rien faire, déplore, ému, Jean-Marc Laib. Son action est honteuse.» La fille de ce retraité, une informaticienne installée à Kyiv depuis plusieurs années, a seulement pu quitter la capitale ce jeudi. Selon son père, ce départ en bus relève d’une «initiative privée». L’itinéraire, gardé secret pour des raisons de sécurité, devrait conduire les passagers en Pologne, où les attendent à la frontière des agents consulaires français. Selon nos informations, le dispositif devrait être prochainement renforcé d’une vingtaine d’agents, dans les ambassades et consulats des pays frontaliers de l’Ukraine.
Ces derniers jours, les témoignages de Français bloqués en Ukraine ont afflué. Les groupes d’entraide sur les réseaux sociaux se multiplient. «On espérait une aide de la France, a ainsi regretté mardi Clémence Leconte, une institutrice au lycée français de Kyiv bloquée dans la capitale, sur France 24. On espérait être rapatriés dès que le calme se ferait […] Mais il faut se débrouiller par nous-mêmes.» Jean-Marc Laib, en colère contre l’action des autorités françaises, abonde : «On nous a évoqué la possibilité de partir par la route. Voilà le seul conseil donné aux Français ! Mais la France n’est pas capable d’organiser un transport sécurisé, comme l’a fait l’Italie ?» Selon l’agence de presse italienne Adnkronos, l’ambassade d’Italie en Ukraine aurait organisé le départ d’un convoi évacuant des ressortissants en début de semaine, sans préciser le nombre de personnes présentes. Une autre agence, l’Ansa, évoque une centaine d’Italiens ayant pu quitter le pays.
«Nous accompagnons les Français»
Lundi, à la sortie du Conseil de défense, Jean-Yves Le Drian évoquait l’existence d’une «opportunité» pour quitter Kyiv, par l’autoroute reliant la capitale à Vassylkiv, plus au sud. Le ministre des Affaires étrangères ajoutait que la France n’était pas en mesure d’assurer la sécurité de ses ressortissants lors de ces trajets jusqu’aux pays frontaliers de l’Ukraine. «Nous accompagnons les Français, nos ressortissants qui prennent la route vers la Roumanie, la Moldavie, la Hongrie, la Slovaquie où ils seront accueillis par nos agents», précisait seulement Le Drian le soir même, sur BFM TV.
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Le ministre des Affaires étrangères a par ailleurs écarté des opérations d’évacuation «par des convois» au vu du nombre de personnes à évacuer – un millier. De fait, les marges de manœuvre des autorités françaises pour opérer une telle évacuation sont limitées. L’espace aérien ukrainien a été fermé, les routes sont saturées et les trains pris d’assaut. «Les évacuations ne se font que par la route pour des raisons évidentes», justifie ainsi un diplomate. Selon Stéphane Romatet, le directeur du centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay cité par France Inter, «entre 330 et 340 Français ont déjà quitté l’Ukraine». Au moins 400 autres seraient encore dans le pays.