Le long du fleuve Dniepr, dans le sud de l’Ukraine, les civils assistent quotidiennement à des pluies de grenades. Dans un rapport publié lundi 27 octobre, la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies sur l’Ukraine qualifie ces attaques continues de drones russes sur la population ukrainienne de «crime de guerre» et de «crime contre l’humanité».
A l’aide de plus de 500 vidéos et 226 témoignages recueillis dans les régions sud-ukrainiennes de Dnipropetrovsk, Kherson et Mykolaïv, la commission d’experts mandatés par les Nations unies indique que «les autorités russes ont systématiquement coordonné des actions visant à chasser les civils ukrainiens de leur lieu de résidence en menant des attaques de drones, ainsi qu’en procédant à des expulsions et des transferts».
Ce sont différents modèles de «petits» drones «de courte portée et à faible coût» qui sont utilisés. Ils explosent en percutant leur cible ou larguent en vol des grenades sur des civils et leurs habitations, des points de distribution humanitaire, mais aussi des ambulances ou des camions de pompiers.
Frappes
Ce «large éventail de cibles civiles» est visé «intentionnellement» par les attaques russes qui ont tué plus de 200 personnes et fait 2 000 blessés au cours de l’année passée, selon les estimations des experts, et contraint «des milliers de personnes à fuir». Face à ce «climat de terreur permanent», la commission conclut : ces attaques «constituent un crime contre l’humanité de transfert forcé de population».
Créé par le Conseil des droits de l’homme dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’organisme avait déjà conclu, fin mai, que les attaques de drones russes dans la région ukrainienne de Kherson constituaient le crime contre l’humanité de «meurtres».
Nouveaux outils
Dans les conflits du XXIe siècle, les drones sont devenus une arme courante et particulièrement destructrice. Ces nouvelles technologies de combat se développent et sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans la commission de crimes de guerre, alerte le rapport.
L'édito de Dov Alfon
Par leurs formes multiples, d’abord, comme les experts l’ont observé en Ukraine, qui leur permettent d’atteindre des cibles très diverses : des petits drones de première ligne, d’une portée d’environ 10 kilomètres, pour atteindre les civils, et d’autres, plus gros et à plus longue portée, pour les bombardements de villes et de grandes infrastructures.
Mais ces armes permettent également, grâce à leur système de vidéo à distance, une parfaite maîtrise de la cible, rappelle le New York Times. Loin du champ de bataille, la personne qui dirige le drone peut visionner depuis sa position – il s’agit souvent d’un «commandement centralisé» – les dégâts qu’elle provoque. «Tous les types de drones à courte portée utilisés dans ces attaques sont équipés de caméras en direct qui se concentrent sur des cibles particulières, ne laissant aucun doute sur les connaissances et l’intention des auteurs», indiquent les auteurs du rapport.
«C’est la loterie»
L’arme moderne marque par ses dégâts physiques et structurels, mais aussi psychologiques. Il y a un an, le Guardian rapportait les témoignages d’habitants de la ville de Kherson dont la vie était déjà rythmée les attaques de drones, et l’angoisse permanente qui en résultait. Dima Olifirenko, 22 ans, se confiait alors au quotidien britannique : pour lui, c’est «bien pire que l’artillerie» car quand un drone arrive, «il est là, il te voit, et tu es foutu».
Dans le rapport de la Commission d’enquête, des témoignages sont mis en avant. «C’est la loterie», décrit une Ukrainienne qui vit dans une zone régulièrement survolée par les drones du pays voisin. «Est-ce qu’un drone va voler ? Vous allez vous coucher et vous ne savez pas si vous serez tué dans la nuit ou si vous vous réveillerez le lendemain.»
Depuis le début de son offensive, la Russie multiplie ses attaques de drones et de missiles sur le sol ukrainien mais nie toujours avoir ciblé des civils. Sollicitées lors de l’enquête, les autorités russes ont refusé de coopérer avec la commission.
Faute de coopération de la part de Moscou, l’organisme n’a pas pu enquêter sur les allégations russes d’attaques ukrainiennes de drones sur des cibles civiles dans les zones qu’elle occupe. Depuis 2022, Kyiv riposte régulièrement en frappant le territoire russe, mais avec des moyens bien moindres, en visant principalement les raffineries et les usines militaires.