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Analyse

Guerre Hamas-Israël : au Proche-Orient, l’angoisse de l’embrasement

Guerre au Proche-Orientdossier
La crainte d’une escalade régionale s’intensifie, alimentée par les accrochages entre le Hezbollah libanais et l’armée israélienne et par les lourds soupçons d’une implication en sous-main de l’Iran dans l’attaque du 7 octobre.
Un soldat de Tsahal perché sur un char tient des obus, dans le nord d'Israël, le 11 octobre. (Jalaa Marey/AFP)
publié le 11 octobre 2023 à 21h22

L’inquiétude sur les risques d’un embrasement régional, débordant les frontières d’Israël et de Gaza, monte dans les pays voisins comme parmi les responsables internationaux. «Nous changerons le Moyen-Orient», a déclaré dès dimanche 8 octobre Benyamin Nétanyahou, en annonçant préparer une «guerre longue». Et cela avant les dernières découvertes des atrocités commises par les assaillants du Hamas contre les civils dans les localités attaquées. Et même si aucune partie n’a vraiment la volonté ou intérêt à s’engager dans une confrontation généralisée, tout dérapage peut déclencher un engrenage incontrôlable.

La multiplication des accrochages ces derniers jours à la frontière libano-israélienne entre les miliciens du Hezbollah ainsi que d’autres groupes palestiniens et l’armée israélienne est scrutée de toutes parts. L’ouverture d’un deuxième front au nord d’Israël, au cas où la milice libanaise s’engagerait massivement dans une bataille, entraînerait une escalade meurtrière pour les deux belligérants. Elle suscite l’angoisse chez les Libanais, déjà plongés dans une crise politique et économique colossale.

Mais l’heure est encore à la temporisation, y compris du côté du Hezbollah, malgré son soutien rhétorique à l’attaque du Hamas. Les Etats-Unis et leurs alliés auraient lancé des avertissements au mouvement libanais, les mettant en garde contre toute escalade. Ils auraient fait passer le message par le gouvernement libanais et notamment le président du Parlement Nabih Berri, allié de la milice chiite, selon des informations rapportées par CNN. «Il n’y a pas d’indication pour le moment que d’autres adversaires d’Israël soient en train de préparer des attaques», a déclaré mercredi 11 octobre à Bruxelles un haut responsable militaire américain.

«Eléments de suspicion»

Les interrogations se focalisent sur le rôle et la stratégie de l’Iran à travers ses forces alliées dans une éventuelle escalade. Le soutien fourni par Téhéran aux brigades Al-Qassam, le bras armé du Hamas, pour l’offensive d’ampleur inédite lancée samedi 7 octobre sur le territoire israélien, est au cœur du débat. «Je n’ai pas de commentaire à faire sur une implication directe de l’Iran dont nous n’avons pas la trace de manière formelle», a affirmé mardi Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse commune avec le chancelier allemand. «Il est vraisemblable qu’il y ait eu des aides apportées au Hamas et des coopérations. Je resterai prudent sur ce point tant que nous n’avons pas stabilisé des éléments de renseignement complètement sûrs», a-t-il également soutenu. Des propos similaires avaient été tenus deux jours plus tôt par le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken. L’ayatollah Ali Khamenei, la plus haute autorité d’Iran, a démenti mardi toute implication de son pays, tout en réaffirmant le «soutien iranien à la Palestine».

«On ne tient pas de preuve évidente sur le rôle de l’Iran mais les éléments de suspicion sont bien présents en creux des déclarations des responsables occidentaux», relève David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques et chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique et à l’Institut de relations internationales et stratégiques. «Pour le moment», tient à préciser l’expert, qui perçoit «une logique de confrontation de grande ampleur à l’œuvre». Evoquant une «daechisation du Hamas», il considère que «tous les verrous ont sauté et [qu’]une escalade est probable, surtout en cas d’opération terrestre massive de l’armée israélienne à Gaza». L’attaque du Hamas pourrait-elle avoir été conçue comme un coup sans suite ? «Un scénario, inspiré par Téhéran, d’une escalade par étapes avec garantie d’intervention d’autres acteurs n’est pas à exclure, même s’il ne peut recevoir de confirmation en l’état actuel des choses», estime le chercheur.

«La stratégie de l’Iran doit être perçue sur le long terme»

La conviction que l’Iran est impliqué dans la planification, l’exécution et surtout la fourniture d’équipements et d’armes pour l’attaque de samedi fait peu de doute, notamment dans les territoires palestiniens. «L’Iran maintient des lignes ouvertes et des coopérations avec tous ses relais dans la région», rappelle un diplomate palestinien, sous couvert d’anonymat. «Et il y en a plus d’un dans les territoires palestiniens, parmi une génération de plus en plus tentée par la lutte armée, y compris [au sein] des anciens groupes proches du Fatah et de l’Autorité palestinienne, remontés par les agissements des colons extrémistes en Cisjordanie», indique-t-il.

«La stratégie de l’Iran doit être perçue sur le long terme, comme il faut dix ans pour tisser un beau tapis persan», compare le diplomate palestinien. Pour lui, le pays «veut détenir un maximum de cartes régionales, palestinienne, libanaise, syrienne ou yéménite pour les jouer selon les opportunités et pour ses seuls intérêts. Il instrumentalise pour ce faire le combat pour la Palestine et pour Jérusalem».