Menu
Libération
Déflagration

Ile «anéantie», ondes de choc et bombe d’Hiroshima… L’éruption aux Tonga sur les radars de la Nasa

D’après les scientifiques de l’agence américaine, la force de l’énorme explosion survenue dans les îles de Polynésie le 15 janvier a très largement dépassé la puissance de la bombe atomique américaine.
Un épais panache de fumée au-dessus du volcan tongien, le 15 janvier. (EyePress via AFP)
publié le 24 janvier 2022 à 12h08

Le 6 août 1945, les habitants d’Hiroshima (Japon) s’éveillent à peine lorsque la bombe atomique «Little Boy» explose, lâchée par des aviateurs américains. Des incendies, une bulle de gaz incandescente de plus de 4 000 °C, des vents de 800 km/h… En quelques secondes à peine, des dizaines de milliers de personnes meurent et 12 km² de territoire sont vaporisés. Et bien selon les scientifiques de la Nasa, la puissance de l’éruption survenue aux Tonga le 15 janvier équivaudrait à plusieurs centaines de fois celle de cette même bombe.

«Nous pensons que la quantité d’énergie libérée par l’éruption était équivalente à une quantité de TNT comprise entre 5 et 30 millions de tonnes», a déclaré le scientifique de la Nasa Jim Garvin ce dimanche soir. «Ce nombre est basé sur la quantité de matière retirée, la résistance de la roche et la hauteur du nuage d’éruption soufflé dans l’atmosphère à différentes vitesses», explique le scientifique sur le site de la Nasa. Celle de la bombe «Little Boy» est estimée à 15 000 tonnes de TNT.

L’explosion, qui a «anéanti» selon la Nasa l’île volcanique située à environ 65 kilomètres au nord de Nuku’alofa, la capitale des Tonga, est l’un des événements les plus fracassants sur Terre depuis plus d’un siècle. «C’est peut-être l’éruption la plus bruyante depuis [l’éruption du volcan indonésien] Krakatoa en 1883», analyse Michael Poland, géophysicien de l’U.S. Geological Survey, au micro de la radio américaine NPR. Avant d’ajouter : «Elle a eu un impact démesuré, bien au-delà de la zone classique si l’explosion avait eu lieu complètement au-dessus de l’eau».

Interviewée par FranceInfo, la journaliste Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, suppose que l’intensité de l’explosion serait liée à la profondeur du volcan, dont le cratère est immergé à 200 mètres sous la surface de la mer. «Lorsque le magma et les gaz sont remontés, ils ont brutalement rencontré de l’eau, beaucoup plus froide. Et ça a créé un mélange explosif», relève-t-elle. Ce que Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue et professeur à l’Université Paris Saclay, a comparé auprès de Libération à un effet «cocotte minute». «Si la profondeur avait été plus grande, l’eau aurait plutôt eu tendance à étouffer l’explosion», ajoute Mathilde Fontez.

Mais un autre effet attire son attention, ainsi que celui d’autres scientifiques : la propagation de l’onde de choc dans l’atmosphère. Déjà, quelques heures après l’éruption, des amateurs et spécialistes météo pointaient sur les réseaux sociaux une variation de la pression atmosphérique.

Les images de la Nasa, poursuit Mathilde Fontez, présentent des ondes, en vagues de cercles concentriques, encore jamais vues jusqu’à présent. «Il y en a des dizaines. Elles s’étendent sur 16 000 kilomètres autour de l’éruption» dans un mouvement assez confus, recense-t-elle. L’explication de ce phénomène est encore trouble mais, selon les spécialistes, ce pourrait être le résultat d’une grosse bulle d’air chaud venue «renverser l’air».

Pour rappel, l’explosion massive du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai a craché un champignon de fumée atteignant 40 kilomètres de haut et visible depuis l’espace. Son retentissement a même été entendu à plus de 9 000 km de là, en Alaska. A sa suite, de multiples tsunamis ont déferlé. En plus de Nuku’alofa qui a vu une vague de 1,20 mètre de haut rejoindre ses côtes, 20 personnes ont été évacuées à 2 300 kilomètres de là, en Nouvelle-Zélande. Des vagues d’environ 1,20 mètre ont également frappé la côte pacifique du Japon. Le Pérou a fermé 22 ports par précaution après avoir détecté des «vagues anormales».

L’éruption a aussi recouvert d’une couche de cendres toxiques le royaume insulaire qui compte environ 100 000 habitants, empoisonnant l’eau potable, détruisant les cultures agricoles et anéantissant au moins deux villages.

Cinq victimes et marée noire

Pour l’instant, au moins trois victimes ont été recensées aux Tonga et deux baigneurs sont morts dans les vagues au Pérou. Une «urgence environnementale» de 90 jours a été annoncée par les autorités péruviennes pour la zone côtière endommagée par le déversement de 6 000 barils de pétrole brut il y a une semaine, une marée noire qui continue de s’étendre et désespère les habitants.

Aux Tonga, l’ampleur des dégâts reste incertaine, les communications étant toujours interrompues. En effet, un câble sous-marin en fibre optique reliant les Tonga à Internet a été sectionné lors de l’éruption d’un volcan. Cité par la BBC, le ministère néo-zélandais des affaires étrangères estime que la réparation des 49 889 km de câble dans le Pacifique Sud pourrait prendre plus d’un mois.

Depuis quelques jours, les forces de défense japonaises, néo-zélandaises et australiennes ont commencé à livrer des secours d’urgence, notamment de l’eau, tout en maintenant de stricts protocoles contre le Covid-19 pour préserver l’archipel de la pandémie.