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«J’ai de bon souvenirs de Donald Trump» : Kim Jong-un se dit prêt à renouer le dialogue avec les Etats-Unis

Pyongyang a annoncé la possibilité de relancer la coopération avec les Etats-Unis si Washington l’accepte comme une puissance nucléaire.

Kim Jong-un, à la tête d'exercices de reconnaissance stratégique dans un lieu tenu secret en Corée du Nord, en septembre 2025. (KCNA/AFP)
Publié le 22/09/2025 à 18h09

Une main tendue avec une condition pas négligeable. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un envisage de reprendre contact avec les Etats-Unis, sous réserve que ces derniers renoncent à l’idée de priver son pays de ses armes nucléaires, ont rapporté lundi les médias officiels de Pyongyang.

«Si les Etats-Unis abandonnent leur obsession délirante pour la dénucléarisation et, en reconnaissant la réalité, souhaitent véritablement coexister pacifiquement avec nous, alors il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas nous asseoir en face d’eux», a déclaré Kim Jong-un, selon l’agence de presse d’Etat KCNA. «Je garde personnellement de bons souvenirs de l’actuel président américain, Donald Trump», a-t-il ajouté dans un discours prononcé dans le weekend devant le Parlement nord-coréen.

«Un moment calculé»

La question qui fâche (et vient relativiser la sincérité de la proposition) : la volonté de la dictature de se doter de l’arme atomique. La Corée du Nord a procédé à six essais nucléaires entre 2006 et 2017 et a poursuivi depuis le développement de son arsenal malgré de lourdes sanctions internationales. Pyongyang justifie son programme nucléaire militaire par les menaces dont il se dit l’objet de la part des Etats-Unis et de ses alliés, dont le voisin sud-coréen. En janvier, Kim Jong-un avait affirmé que ce programme se poursuivrait «indéfiniment».

Les déclarations de l’autocrate interviennent un peu plus d’un mois avant une visite prévue de Donald Trump en Corée du Sud pour un sommet de l’Apec (l’accord de coopération économique Asie-Pacifique), qui aura lieu entre le 31 octobre et le 1er novembre. «Le moment choisi pour ces déclarations […] semble calculé», a estimé Lim Eul-chul, de l’université sud-coréenne de Kyungnam. «Elles laissent entrevoir la possibilité d’un sommet surprise, tout en jouant sur le désir bien connu de Trump de remporter le prix Nobel.» Un pas en avant diplomatique qui risque de ne pas tomber dans l’oreille d’un sourd pour celui qui se rêve, malgré ses échecs en Ukraine et au Proche-Orient et ses très relatifs succès par ailleurs, en faiseur de paix universel.

Kim Jong-un a estimé, selon KCNA, que les sanctions contre son pays n’avaient pas fonctionné. Au contraire, elles ont aidé la Corée du Nord à «devenir plus forte, à développer une endurance et une résistance qui ne peuvent être brisées par aucune pression», s’est-il félicité.

Une accalmie

Les relations Trump-Kim, aujourd’hui calmes, ont été plus chaotiques par le passé. Le chef d’Etat américain avait notamment qualifié dans un boutade son homologue asiatique de «Rocketman» et avait rangé la Corée du Nord parmi la liste des «Etats voyous» en 2017 devant les Nations unis. Mais depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump s’est montré disposé à reprendre contact avec le dirigeant nord-coréen, qu’il a qualifié, cette fois, de «type intelligent». C’est en tant que deal maker que l’occupant de la Maison Blanche tente de renouer avec Kim Jong-un, pour faire plier un Etat qu’il qualifiait de «puissance nucléaire» dès le début de son second mandat. Quant à savoir si la dénucléarisation de la Corée du Nord est une condition indispensable côté américain à la reprise de la coopération entre les deux pays, les interrogations persistent. Les propos du secrétaire d’Etat Marco Rubio semblant se satisfaire, en janvier 2025, de l’accalmie dans le développement du programme, n’aidant pas à se faire une idée précise des attentes de Washington.

Les deux hommes se sont rencontrés la première fois lors d’un sommet historique en juin 2018 à Singapour, la deuxième à Hanoï au Vietnam en février 2019 et la dernière fois sur la frontière entre les deux Corées en juin 2019. Mais jamais les Etats-Unis n’ont réussi à arracher à Pyongyang la moindre concession quant à un abandon de ses armes nucléaires.

«Le monde sait déjà très bien ce que font les Etats-Unis après avoir contraint un pays à renoncer à ses armes nucléaires et à se désarmer», a déclaré Kim Jong-un devant le Parlement, dans une apparente référence au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, tué en 2011 pendant une intervention de l’Otan contre son pays.

Escalade avec la Corée du Sud

S’il s’est montré ouvert à une reprise du dialogue avec les Etats-Unis, Kim Jong-un a en revanche dit n’avoir «aucune raison de s’asseoir à la table des négociations avec la Corée du Sud», alors même que le nouveau président sud-coréen, Lee Jae Myung, cherche à apaiser les tensions avec le Nord. «Nous affirmons clairement que nous ne traiterons avec eux sous aucune forme», a déclaré Kim Jong-un. La relation entre les deux Corées s’est dégradée ces dernières années, le Nord ayant lancé de nombreuses séries de missiles balistiques en direction du Sud.

Outre les Etats-Unis, Pyongyang tente d’assurer ses arrières en se dirigeant vers d’autres alliés, comme Moscou. Une amitié, scellée par l’envoi de milliers de soldats sur le front ukrainien ainsi que la signature d’un pacte de défense mutuelle l’an dernier, que Séoul observe avec crainte.