Raconter le calvaire. Après sept ans cloîtré dans une ambassade, puis cinq années derrière les barreaux d’une prison britannique à haute sécurité, Julian Assange s’est exprimé devant le Conseil de l’Europe ce mardi 1er octobre. Libéré le 26 juin, l’Australien de 53 ans s’est rendu à Strasbourg «pour témoigner devant la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe», à la suite de la publication d’un rapport d’enquête de cette institution concernant «les implications de sa détention et ses effets plus larges sur les droits de l’homme, en particulier la liberté du journalisme», a déclaré WikiLeaks sur le réseau social X.
«Aider ceux dont les cas sont moins visibles»
«Je ne suis pas libre aujourd’hui parce que le système a fonctionné. Je suis libre aujourd’hui après des années d’incarcération parce que j’ai plaidé coupable d’avoir fait du journalisme», a déclaré le fondateur de WikiLeaks. «J’ai plaidé coupable d’avoir cherché à obtenir des informations auprès d’une source et j’ai plaidé coupable d’avoir informé le public de la nature de ces informations. Je n’ai plaidé coupable d’aucun autre chef d’accusation», a-t-il poursuivi.
«J’espère que mon témoignage aujourd’hui pourra servir à mettre en évidence les faiblesses des garde-fous existants et à aider ceux dont les cas sont moins visibles mais qui sont tout aussi vulnérables», a-t-il ajouté, regrettant de voir «plus d’impunité, plus de secret, plus de mesures de représailles envers [ceux qui disent] la vérité et plus d’autocensure».
Chronologie
Cette audience est le «premier témoignage officiel d’Assange sur son affaire» depuis son arrestation par la police britannique en avril 2019, souligne WikiLeaks. En juin dernier, il a passé un accord avec la justice américaine, qui réclamait son extradition et le menaçait d’une lourde peine de prison. En vertu de cet accord de plaider-coupable, il a été condamné à une peine déjà purgée en détention provisoire, pour obtention et divulgation d’informations sur la sécurité nationale, et a donc pu être libéré. Il a alors regagné l’Australie, son épouse expliquant qu’il avait besoin d’intimité et de temps pour se rétablir.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe doit débattre de ce rapport mercredi, qui «confirme qu’Assange est un prisonnier politique» et qui «appelle le Royaume-Uni à mener une enquête indépendante pour déterminer s’il a été exposé à des traitements inhumains ou dégradants» en détention, selon l’ONG.
Julian Assange avait été interpellé après sept ans passés dans l’ambassade d’Equateur à Londres pour éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année. L’Australien a ensuite passé cinq ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh (à l’est de Londres) à se battre contre son extradition vers les Etats-Unis où il était inculpé en vertu d’une loi sur l’espionnage datant de 1917.
Un cas toujours très controversé
A partir de 2010, Julian Assange avait publié sur la plateforme WikiLeaks plus de 700 000 documents concernant les activités militaires et diplomatiques de Washington, notamment en Irak et Afghanistan. Ces documents concernaient par ailleurs des récits d’exécutions extrajudiciaires et de collecte de renseignements contre les alliés.
Ses partisans le saluent comme un champion de la liberté d’expression et du journalisme d’investigation, persécuté par les autorités et injustement emprisonné. Ses détracteurs, eux, le voient comme un blogueur imprudent dont la décision de publier des documents ultrasensibles a mis des vies en danger et a gravement compromis la sécurité des Etats-Unis.
Son cas reste profondément controversé, ouvrant effectivement la voie à de possibles poursuites à l’avenir contre des journalistes en vertu de la loi américaine sur l’espionnage. Chelsea Manning, l’analyste du renseignement militaire qui a divulgué les documents à Assange, a vu sa peine de 35 ans commuée par le président de l’époque, Barack Obama, en 2017. Le président Joe Biden, qui devrait accorder une série de grâces avant de quitter ses fonctions en janvier prochain, a déjà qualifié Julian Assange de «terroriste».