«Quoi qu’il arrive, cela restera comme l’un des paris les plus fous de l’histoire récente en France.» Invité par le New York Times à commenter la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le journaliste franco-américain Cole Stangler est stupéfait. Le président français «a l’habitude de mépriser la sagesse populaire, et espère que cette décision lui sera favorable. Mais il ne faut pas s’y tromper : la France est en danger», s’alarme-t-il le 13 juin. Ceux qui ont le plus à perdre avec l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ? «Les immigrés et les descendants d’étrangers», s’inquiète l’éditorialiste.
Il rappelle qu’en 2017, Emmanuel Macron, encore candidat, avait déclaré «audacieusement» son intention «d’éradiquer la colère» qui alimente la montée du Rassemblement national. «Sept ans plus tard, on peut dire qu’il a échoué, blâme Cole Stangler. On se souviendra sûrement de lui, non pas en tant qu’un opposant de principe à l’extrême droite, mais en tant que son dangereux et principal instigateur.» En Allemagne, plusieurs éditos publiés dans Der Spiegel n’épargnent pas non plus Emmanuel Macron. C’est un président «égocentrique» pour le correspondant du journal à Bruxelles Michael Sauga, tandis que la correspondante de l’hebdomadaire en France, Britta Sandberg, le qualifie de «kamikaze».
«Perturber l’Union européenne de l’intérieur»
Le New York Times n’est pas le seul journal à s’intéresser quotidiennement ou presque à ce sujet. En Europe comme aux Etats-Unis, les conséquences – pour la France et pour l’Union européenne – de la dissolution provoquée par le président français sont passées au peigne fin depuis quinze jours. Emmanuel Macron «joue avec le feu» avec ce «coup de bluff», estime dans son éditorial le quotidien de centre gauche britannique The Guardian, au lendemain de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale en France. «Les paris audacieux peuvent réserver de très mauvaises surprises», se souvient le journal, en faisant référence à l’ex-Premier ministre du parti conservateur britannique David Cameron. En janvier 2013, pour couper l’herbe sous le pied au leader d’extrême droite Nigel Farage, David Cameron avait annoncé sa volonté d’organiser un référendum sur le Brexit. Tout le monde connaît la suite. Concernant la France, «le résultat le plus probable du coup de dés de M. Macron semble être une présence accrue du RN au sein d’un Parlement fracturé, fragmenté et paralysé» qui serait profitable à Marine Le Pen en vue de l’élection présidentielle de 2027.
Ce duel Macron-Le Pen est «fatidique», «non seulement pour la France, mais aussi pour l’Union européenne dans son ensemble», estime ce journal proeuropéen, surtout après les dernières élections pour le Parlement de l’UE qui ont vu l’extrême droite triompher en Italie, en Autriche ou encore en Allemagne. «Malheureusement, la dérive droitière et de l’Europe sur des thèmes tels que la transition écologique ou l’immigration devrait se poursuivre», se déprime le Guardian. Le journal rappelle aussi «les sympathies de Marine Le Pen envers Vladimir Poutine par le passé» et sa volonté de «perturber l’Union européenne de l’intérieur». Fin juin et début juillet, «tous les regards seront tournés vers la France», écrivent à l’identique le Guardian et El Pais.
Kylian Mbappé truste (aussi) les revues de presse
«Ce qui se passe en France ne reste pas en France», résume le 23 juin l’écrivain colombien Juan Gabriel Vásquez dans le journal espagnol El Pais. Il cite le chef d’Etat autrichien au XIXe siècle Metternich : «Quand la France éternue, disait-il, l’Europe s’enrhume.» «La France vient d’éternuer. Que se passe-t-il maintenant ? se demande l’auteur sud-américain. Pour une fois, la gauche semble s’être réveillée, c’est une raison d’espérer.» Il tacle cependant sévèrement le fondateur de La France insoumise, pourtant considéré comme un «allié en Colombie» par le président de gauche du pays, Gustavo Petro. «Depuis des mois, nous assistons aux excès irresponsables de l’incapable Jean-Luc Mélenchon, populiste ou radical qui joue la polarisation et l’affrontement permanent, la diabolisation des modérés et un sectarisme dangereux», accuse Juan Gabriel Vásquez.
Une personne reçoit en revanche les louanges de l’écrivain, et ce n’est pas une personnalité politique. Dans la presse internationale, les articles pleuvent sur le footballeur Kylian Mbappé depuis sa prise de parole sur la situation politique actuelle en France. «Je ne veux pas représenter un pays qui ne partage pas les valeurs de tolérance, de diversité et de respect», a déclaré l’attaquant fraîchement arrivé au Real Madrid lors de sa conférence de presse la semaine dernière. Juan Gabriel Vásquez se souvient très bien des foules de supporteurs euphoriques les soirs de la victoire de la France aux Coupes du monde de 1998 et 2018 : «Moi qui n’ai jamais été optimiste, je me souviens de ce que j’ai vu dans les rues à l’époque et je pense que la France est capable aujourd’hui de résister. J’espère que je ne me trompe pas.»