A la suite du conflit qui a opposé la Géorgie à la Russie en 2008, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mardi 14 octobre Moscou à verser plus de 253 millions d’euros de dommages et intérêts à la Géorgie pour avoir entravé les droits des habitants de régions séparatistes.
Processus de «frontiérisation»
Quinze ans après les faits, la CEDH a déjà condamné la Russie en 2024 pour le processus de «frontiérisation» opéré par Moscou à partir de 2009 en Abkhazie et en Ossétie du Sud, les deux régions séparatistes au nord de la Géorgie. La Russie y avait instauré des lignes de démarcation administrative au sein même du territoire géorgien, imposant selon l’arrêt de la cour rendu ce mardi des «restrictions illégales» à «un groupe d’au moins 23 000 personnes d’origine géorgienne quant à l’accès à leurs domiciles, leurs terres et leurs familles».
Dans son jugement, l’institution condamne donc la Russie pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme, et plus précisément des droits des habitants concernés au respect de la vie privée, du domicile, et à la protection des biens. Elle considère également qu’une partie des victimes doit être dédommagée pour avoir été privées d’éducation en langue géorgienne, et demande réparation pour un groupe d’environ 2 500 personnes pour «détention illégale» suite au franchissement de la ligne de démarcation. Contrairement à la condamnation de 2024, le jugement rendu ce mardi établit cette fois-ci les dommages et intérêts à verser aux victimes pour préjudice moral.
Symbole
S’il était peu probable que la Russie s’acquitte de cette sanction, le Kremlin a clairement annoncé ce mercredi qu’il n’appliquera pas la décision de la cour. Depuis qu’elle a été exclue du Conseil de l’Europe – auquel est rattachée la CEDH – en 2022 suite à l’invasion de l’Ukraine, elle ne considère plus les décisions de la cour européenne comme contraignantes à son égard. Alors qu’elle est toujours théoriquement responsable des violations de la Convention européenne des droits de l’homme qu’elle aurait commises antérieurement à 2022, elle refuse depuis de payer les amendes et ignore les décisions de la cour.
Des décisions à valeur déclaratoire
En 2023, la CEDH avait condamné Moscou à verser 130 millions d’euros pour des exactions et des spoliations commises contre des civils durant la guerre de 2008. A ce jour, la somme n’a jamais été versée à la Géorgie. Mais «le Comité des ministres [du Conseil de l’Europe] continue de surveiller l’exécution des arrêts que la Cour a rendus contre la Russie», a précisé la CEDH dans son arrêt du mardi 14 octobre, rappelant que la Russie est tenue de payer. Dans une certaine mesure, toutefois, puisque les arrêts de la cour n’ont qu’une valeur déclaratoire.
Pour la Géorgie, la décision reste symbolique : le ministère de la justice s’est félicité mardi d’une «victoire historique», la «suite logique des procédures historiques gagnées contre la Russie». Toutefois, les relations entre le parti géorgien au pouvoir et Moscou sont plutôt bonnes ces dernières années. Depuis l’attaque de l’Ukraine par les forces russes en 2022, le gouvernement est accusé de dérive autoritaire et de rapprochement avec la Russie. Il est allé jusqu’à suspendre le processus d’adhésion à l’Union européenne.
Mise à jour à 15 h 20, avec le refus de la Russie d’appliquer la décision de la CEDH