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Négociations Russie-Ukraine à Istanbul : pas de cessez-le-feu inconditionnel mais un accord sur l’échange de prisonniers et de soldats morts

A l’issue de discussions qui n’auront duré qu’une heure, le président Erdogan a fait part de son intention de réunir Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky et Donald Trump.

Des policiers montent la garde ce lundi 2 juin devant le palais de Ciragan, à Istanbul, où ont eu lieu les discussions. (Murad Sezer/REUTERS)
Publié le 02/06/2025 à 9h16, mis à jour le 02/06/2025 à 18h48

Ce fut bref et peu concluant. Le deuxième round de pourparlers entre l’Ukraine et la Russie, à Istanbul, a duré un peu plus d’une heure, et n’a pas débouché sur grand-chose. La principale (mauvaise) nouvelle étant que Moscou a refusé la proposition ukrainienne de cessez-le-feu inconditionnel pour au moins trente jours. Et proposé une trêve partielle de deux-trois jours, sur certaines parties du front, pour évacuer les corps des soldats de part et d’autre.

Comme lors de la précédente rencontre, il y a quinze jours à Istanbul, les deux parties se sont accordées sur un échange massif de prisonniers. Cette fois les blessés graves et les malades, selon la formule «tous contre tous», et les prisonniers âgés de moins de 25 ans. Ainsi que la restitution, de part et d’autre, de 6 000 dépouilles de militaires.

Le chef de la délégation ukrainienne, le ministre de la Défense Rustem Umerov, a confirmé que la partie russe avait transmis à Kyiv son mémorandum sur les conditions de fin de la guerre, que Moscou avait refusé de rendre public avant la rencontre. La Russie demande notamment un «retrait complet» de l’armée ukrainienne de quatre régions du pays dont Moscou revendique l’annexion, avant tout cessez-le-feu. L’Ukraine, qui, elle, avait publié son plan de route avant la rencontre, prendra une semaine pour examiner le document adverse, puis déciderait des mesures à prendre.

Le chef de la délégation russe, Vladimir Medinsky, a déclaré de son côté que le mémorandum russe comprenait deux parties : comment parvenir à une paix durable et quelles mesures sont nécessaires pour un cessez-le-feu complet. Medinsky a aussi montré aux journalistes la liste de 339 enfants ukrainiens dont Kyiv exige la restitution, en accusant l’Ukraine d’ériger cette question en «spectacle médiatique pour les Européens au cœur tendre».

Les négociateurs ukrainiens ont fait savoir qu’ils avaient proposé une nouvelle rencontre fin juin à leurs homologues russes. Hôte de ces pourparlers, Recep Tayyip Erdogan a proposé d’héberger une entrevue Zelensky-Trump-Poutine, «à Istanbul ou à Ankara».

Zelensky appelle à des sanctions s’il n’y a pas d’avancées

Depuis la Lituanie, le président Volodymyr Zelensky avait affirmé ce lundi que son pays était prêt à prendre les mesures «nécessaires» pour faire avancer les pourparlers de paix. «Naturellement, un point de départ serait un cessez-le-feu et des actions humanitaires, la libération des prisonniers et le retour des enfants enlevés», avait ajouté le chef de l’Etat ukrainien, tout en appelant à sanctionner la Russie si cette rencontre en Turquie n’apportait «rien».

Cette nouvelle rencontre s’est déroulée sur fond de combats intenses. Ce lundi matin, l’armée russe a annoncé avoir abattu dans la nuit 162 drones ukrainiens, dont la majorité a visé les régions de Koursk et de Belgorod.

Dimanche, l’Ukraine a aussi mené l’une de ses attaques les plus audacieuses sur le sol russe, jusqu’en Sibérie. Un vaste assaut coordonné de drones contre quatre aérodromes militaires russes a touché plusieurs dizaines d’avions, dont des bombardiers stratégiques, selon les services de sécurité ukrainiens.

La perspective d’une rencontre entre Zelensky et Poutine toujours lointaine

Parallèlement à ces négociations, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s’est entretenu dimanche au téléphone avec son homologue américain Marco Rubio au sujet de ces pourparlers, selon le ministère russe des Affaires étrangères cité par l’agence Tass. La Russie avait annoncé qu’elle présenterait un «mémorandum» de ses conditions pour un accord de paix, qu’elle a refusé de transmettre à l’avance à l’Ukraine comme Kyiv le réclamait.

Les deux parties sont très loin d’un accord, que ce soit une trêve ou un règlement à plus long terme. Les priorités de l’Ukraine sont «un cessez-le-feu complet et inconditionnel», et le «retour des prisonniers» et des enfants ukrainiens que Kyiv accuse Moscou d’avoir enlevés, a déclaré dimanche sur les réseaux sociaux Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien souhaite également une rencontre directe avec son homologue russe Vladimir Poutine. Perspective que le Kremlin a plusieurs fois repoussée.

Moscou refuse le «cessez-le-feu inconditionnel» demandé par Kyiv et les Occidentaux et insiste pour régler ce qu’elle nomme les «causes profondes» du conflit, en référence à une série de demandes maximalistes. La Russie exige notamment que l’Ukraine renonce définitivement à rejoindre l’Otan et lui cède les cinq régions dont elle revendique l’annexion.

Ces conditions sont inacceptables pour Kyiv, qui exige en retour un retrait pur et simple des troupes russes de son territoire. L’Ukraine veut aussi des garanties de sécurité concrètes, appuyées par les Occidentaux, comme la protection de l’Otan ou la présence de troupes occidentales sur le terrain, ce que la Russie exclut. La guerre, qui dure depuis plus de trois ans, a fait au moins des dizaines de milliers de morts civils et militaires dans les deux camps.

Des conseillers européens présents

Le principal négociateur russe à Istanbul, Vladimir Medinski, est un conseiller idéologique de Vladimir Poutine qui a mené les négociations avortées de 2022, qui a rédigé des manuels scolaires justifiant l’invasion et remis en question le droit à l’existence de l’Ukraine. La délégation ukrainienne est elle dirigée par le ministre de la Défense, Roustem Oumerov, considéré comme un fin négociateur mais dont le ministère reste empêtré dans des scandales.

Des «conseillers diplomatiques» d’Allemagne, de France et de Grande-Bretagne étaient «sur le terrain […] en étroite coordination avec l’équipe de négociation ukrainienne», avait déclaré dimanche à Berlin un porte-parole du gouvernement allemand.

Sur le terrain, Kyiv est à la peine, les troupes de Moscou ayant progressé ces derniers jours, notamment dans la région ukrainienne de Soumy (nord-est). La Russie pourrait vouloir y déclencher une nouvelle offensive afin de créer une zone tampon et d’empêcher des incursions ukrainiennes sur son propre territoire, comme l’été dernier dans la région voisine de Koursk.

Mise à jour à 18 h 48 avec les conclusions des pourparlers.