Elle n’avait pas quitté les lieux depuis plus de quatre décennies : avant son prêt au Royaume-Uni, la tapisserie de Bayeux a été extraite de son musée en Normandie jeudi et déplacée dans un lieu de conservation provisoire, à l’issue d’une opération menée dans la plus grande discrétion, révélée vendredi 19 septembre au soir.
Le transfert de cette broderie du XIe siècle, fragilisée par les années et longue de 70 mètres a «mobilisé plus de 90 personnes» et a duré «7 h 15», a précisé dans un communiqué la préfecture du Calvados qui supervisait la manœuvre avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Normandie.
Vendredi en fin de journée, «la tapisserie mise en caisse a pu rejoindre son lieu de mise en réserve», déclare la préfecture dans son communiqué, sans donner plus de détails sur le nouveau lieu. «La manœuvre s’est parfaitement déroulée», se contente-t-elle de déclarer.
Enquête
Le début de l’opération, prévue de longue dans le cadre de la rénovation en cours du musée de Bayeux, avait été programmé pour le jeudi 18 septembre, jour de la mobilisation nationale contre l’austérité budgétaire. Craignant que le transfert ne soit perturbé par des manifestants, les services de l’Etat avaient initialement annoncé son report de quelques jours.
Mais face à la lourdeur du dispositif, ils ont finalement décidé de maintenir la date du 18 septembre, sans toutefois rendre publique l’opération, avait appris l’AFP de sources proches du dossier. «Les conditions et le moment de l’opération ont été gardés confidentiels afin d’organiser le transfert dans des conditions de sécurité optimales pour l’œuvre et en impactant le moins possible les habitants de Bayeux», explique la préfecture du Calvados dans son communiqué.
«Pas transportable »
Dans les prochains mois, la tapisserie sera de nouveau déplacée mais sur une bien plus longue distance. En septembre 2026, elle doit être exposée au British Museum, conformément au prêt annoncé en juillet par le président français Emmanuel Macron, malgré les avertissements des experts sur la grande fragilité de l’œuvre.
Depuis 2020, des rapports d’experts ont minutieusement radiographié les dégradations qui fragilisent la tapisserie (24 204 taches, 9 646 trous, 30 déchirures…) ou alerté sur les «risques supplémentaires» que ferait courir son transport «au-delà d’une heure de trajet».
En 2021, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Normandie, émanation du ministère de la Culture, avait elle-même assuré que «l’œuvre n’était pas transportable avant d’être restaurée».
Vu de Londres
La tapisserie devait initialement être restaurée pendant 18 mois pendant les travaux du musée de Bayeux mais le prêt annoncé par Emmanuel Macron en juillet pour «revivifier» les liens avec Londres a chamboulé ce calendrier. La rénovation a, depuis, été reportée sine die.
En vue de ce prochain transfert outre-Manche, un appel d’offres a été récemment lancé pour procéder à un «voyage à blanc» vers le Royaume-Uni et tester «des solutions anti-vibratoires». Une délégation du musée britannique était d’ailleurs présente lors du transfert de la tapisserie jeudi soir.
Une pétition en ligne demandant l’abandon du prêt au Royaume-Uni en raison des risques pour la tapisserie a par ailleurs rassemblé à ce jour plus de 73 100 signatures.