C’était assurément «le plus beau cadeau» à offrir au président russe Vladimir Poutine, avait prévenu Joe Biden dans un discours solennel. L’avertissement du président américain n’a visiblement pas été écouté par le Congrès américain, qui a bloqué mercredi 6 décembre au soir une enveloppe de plus de 106 milliards de dollars (98 milliards d’euros) comprenant des fonds pour l’Ukraine et Israël.
Au cœur d’acerbes tractations, le texte n’a finalement pas reçu le soutien de l’opposition républicaine. Pourtant encore nombreux à soutenir l’Ukraine en public, les élus conservateurs conditionnent cette aide à un net durcissement de la politique migratoire des Etats-Unis à la frontière avec le Mexique. Joe Biden s’est dit prêt à des «compromis importants» sur ce point, afin d’obtenir un soutien des deux chambres au Capitole. En attendant que les négociations aboutissent, Washington a annoncé une nouvelle aide militaire à Kyiv, d’un montant toutefois limité de 175 millions de dollars (162 millions d’euros), ponctionné sur les réserves de l’exécutif.
Décryptage
Cet échec est une déconvenue pour le président démocrate, qui avait exhorté quelques heures plus tôt à l’approbation de ces fonds en agitant la menace de Vladimir Poutine. Si le président russe parvenait à s’emparer de l’Ukraine, il «ne s’arrêtera [it] pas là», avait-il alerté, évoquant clairement l’hypothèse d’une attaque russe contre un pays membre de l’OTAN, ce qui déclencherait, par effet boule de neige, l’entrée en guerre des Etats-Unis. Un scénario que Washington n’appelle pas de ses vœux, a insisté le chef d’Etat.
Les promesses d’aide en chute libre
Ce nouveau blocage du Congrès intervient alors que les nouvelles promesses d’aide occidentale à l’Ukraine ont fortement ralenti, a informé ce jeudi 7 décembre l’institut de recherche allemand Kiel Institute. «Les promesses d’aide [de 2,11 milliards d’euros] ont atteint leur plus bas niveau entre août et octobre 2023 – une baisse de près de 90 % par rapport à la même période en 2022», détaille l’institut, qui recense l’aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l’Ukraine depuis le début du conflit. «Compte tenu de l’incertitude entourant la poursuite de l’aide américaine, l’Ukraine ne peut qu’espérer que l’UE adopte enfin son plan de soutien de 50 milliards d’euros, annoncé depuis longtemps, a alerté Christoph Trebesch, qui dirige l’équipe du Kiel Institute. Un nouveau retard renforcerait clairement la position de Poutine.»
Réagissant au vote du Congrès, le Kremlin a dit ce jeudi «espérer» que les élus américains ne continueraient pas à «brûler» l’argent du pays en Ukraine. Pour Kyiv, le refus de cette nouvelle enveloppe est une catastrophe, alors que sa contre-offensive lancée en juin n’a pas apporté les gains territoriaux espérés. Vladimir Poutine compte sur l’«effondrement» du soutien occidental à l’Ukraine, a affirmé Volodymyr Zelensky lors d’une téléconférence menée le même jour entre les dirigeants des pays du G7. Après avoir annulé de manière impromptue son intervention prévue la veille au Congrès, le président ukrainien a admis que l’armée russe avait «augmenté la pression de manière significative» sur le front.
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Anticipant le risque de lassitude de son allié américain, Volodymyr Zelensky s’était rendu en personne à Washington en septembre, échangeant longuement avec Joe Biden et des élus du Congrès, sans que sa visite n’ait toutefois l’effet escompté. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, le Congrès a déjà engagé plus de 110 milliards de dollars (102 milliards d’euros) pour Kyiv, les Etats-Unis représentant son plus important soutien militaire.