Sur l’écran d’un smartphone équipé du système de messagerie crypté «Ghost», la photo d’un individu, un pistolet braqué sur la tempe. L’image est interceptée par la police juste à temps. Elle intervient dans l’heure et évite un assassinat. Cette image fait partie du vaste contenu qui transitait sur ce réseau criminel international. Depuis deux ans, des unités de police du monde entier étaient parvenues à infiltrer le réseau, ce qui a mené à l’arrestation de Jay Je Yoon Jung, son créateur, ce mercredi 18 septembre en Australie, repéré par les forces de l’ordre françaises. L’agence de police européenne a également déclaré que la plateforme avait été démantelée.
Créée il y a neuf ans par ce «geek» de 32 ans, l’application destinée à un usage criminel ne fonctionnait que sur des smartphones modifiés à cet effet, vendus 1 430 euros. Pour ce tarif, «Ghost» proposait un abonnement de six mois ainsi qu’une assistance technique, anonymat et sécurité des messages garantis. Ce système n’est pas sans rappeler d’autres messageries criminelles d’ampleur qui ont défrayé la chronique ces dernières années, comme Sky ECC au Canada, le réseau néerlandais EncroChat, et plus récemment, le très controversé Telegram dont le créateur Pavel Durov avait été arrêté en France le 24 août.
Enquête
50 tentatives d’homicides déjouées, des millions d’euros saisis
Le fondateur de l’application se vantait d’avoir conçu un système impossible à pirater, mais la mobilisation d’Europol et des autorités de neuf pays a fini par venir à bout du système. En infiltrant la messagerie, les forces de l’ordre ont accédé à des millions de messages, souvent relatifs au trafic de stupéfiants, au blanchiment d’argent et même à la mise en œuvre d’assassinats, que s’échangeaient les milliers d’utilisateurs de «Ghost» aux quatre coins du monde.
Suite à ces découvertes, 51 suspects ont été arrêtés, dont 38 en Australie, 11 en Irlande et un membre de la mafia en Italie. La police a pu déjouer 50 tentatives d’homicides, tandis que des millions d’euros, des armes ainsi que de la drogue étaient saisis en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. A cette heure, 376 smartphones dotés d’un accès à l’application ont également été trouvés par les forces de l’ordre.
Arrêté ce mercredi 18 septembre, Jay Je Yoon Jung, qui vivait chez ses parents et n’avait pas de casier judiciaire, a été inculpé de cinq délits. Il risque jusqu’à dix ans de prison. Les forces de l’ordre avaient dû agir rapidement pour éviter que le principal suspect ne détruise toutes ses données en s’apercevant qu’il était recherché. «Nos équipes tactiques ont été en mesure de l’appréhender et de sécuriser le matériel informatique moins de 30 secondes après être entrées», détaille Kristy Schofield, commissaire adjointe de la police fédérale australienne. Jean-Philippe Lecouffe le directeur exécutif adjoint des opérations d’Europol s’est réjoui de cette arrestation qui conclut «un véritable jeu du chat et de la souris à l’échelle mondiale, et aujourd’hui, la partie est terminée».