Le mystérieux syndrome de La Havane, subi depuis plusieurs années par des dizaines de diplomates américains, est en lien avec une unité du renseignement russe, affirme une enquête internationale de plusieurs médias publiée ce lundi 1er avril. C’est à partir de 2016 que des diplomates américains et canadiens en poste à Cuba ont dit être frappés de migraines, vertiges, nausées, troubles de la vision… Mais selon une enquête publiée par le journal russe indépendant The Insider, le magazine allemand Der Spiegel et la chaîne américaine CBS, ces diplomates ont pu être la cible d’une arme sonique de la Russie.
Les enquêteurs, dont les recherches ont duré plus d’un an, disent avoir «découvert des éléments suggérant que ces incidents anormaux de santé […] pourraient provenir de l’utilisation d’armes à énergie dirigée, maniées par des membres de l’unité 29 155» du GRU, le service de renseignement militaire russe. L’unité 29 155 est chargée des opérations à l’étranger et s’est déjà retrouvée au centre de plusieurs affaires, accusée notamment de la tentative d’empoisonnement de l’ancien espion russe Sergueï Skripal au Royaume-Uni en 2018. «Leur champ d’action est mondial pour la conduite d’opérations létales et d’actes de sabotage», a déclaré à The Insider un ancien haut responsable de la CIA, agence américaine de renseignement.
Evanouissement et gonflement de batterie de téléphone
«Carrie», une victime du syndrome de La Havane travaillant toujours au FBI, a accepté de témoigner auprès de l’émission 60 Minutes de CBS News. Elle dit avoir été frappée par une force paralysante en 2021 alors qu’elle se trouvait en Floride. «Et bam, à l’intérieur de mon oreille droite, c’était comme si un dentiste forait sous stéroïdes. Vous voyez cette sensation quand ça s’approche trop de votre tympan ? C’était comme ça, fois dix», a-t-elle expliqué. Au même moment, la batterie de son téléphone a commencé à gonfler, jusqu’à briser le boîtier, assure-t-elle. Elle finira par s’évanouir sur un canapé. Pendant des mois, elle se plaindra à ses collègues de problèmes de mémoire et de difficultés à effectuer plusieurs tâches à la fois.
L’affaire avait dès le début entraîné de vastes spéculations. Certains responsables américains avaient au départ minimisé les symptômes parfois attribués au stress, d’autres évoquant en privé de possibles attaques et soupçonnant déjà des pays comme la Russie. Ces «incidents anormaux de santé», selon la terminologie employée aux Etats-Unis, ont ensuite été signalés ailleurs dans le monde (Chine, Allemagne, Australie, Russie, Autriche), et même à Washington. Le renseignement américain avait, lui, estimé en mars 2023 «très improbable» qu’une puissance étrangère ou une arme soit à l’origine des troubles mystérieux.
«Ce sujet a été gonflé dans la presse depuis plusieurs années déjà. Et depuis le début, c’est souvent associé à la Russie», a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, lors d’une conférence de presse. «Mais personne n’a jamais publié de preuve convaincante, donc tout cela n’est rien d’autre qu’une accusation sans fondement», a-t-il ajouté. L’enquête des trois médias avance que les premiers cas de syndrome de La Havane se seraient produits en Allemagne, deux ans avant ceux rapportés à Cuba en 2016. A Francfort, un employé au consulat des Etats-Unis aurait ainsi perdu connaissance en raison de ce qui pourrait s’assimiler à un «fort rayon d’énergie».