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Imbroglio

Les Etats-Unis affirment avoir détruit des contraceptifs stockés en Belgique, le ministre flamand dément

Selon le «New York Times», des milliers de pilules contraceptives, stérilets et implants, bloqués dans un entrepôt belge depuis des mois, auraient été détruits par l’administration Trump. Sauf que d’après Bruxelles, ce n’est absolument pas le cas.

La décision de détruire les contraceptifs s’inscrit dans le sillage du démantèlement de l’USAid et la politique anti-avortement de Trump. (Mychele Daniau /AFP)
Publié le 12/09/2025 à 14h56

Depuis le mois de juillet, les associations féministes surveillent le moindre mouvement à l’entrepôt de Geel, en Belgique. Le moindre aller-retour de camions. Car derrière ces énormes bâtiments en tôle, des milliers de contraceptifs – implants, stérilets et pilules contraceptives - étaient entreposés depuis plusieurs semaines. Du matériel initialement acheté par l’USAid, l’agence pour le développement international, et destiné à des pays africains. Mais l’administration Trump, propriétaire de ce stock dont la valeur s’élève à près de 10 millions de dollars, avait indiqué à la mi-juillet vouloir le détruire. Une décision qui s’inscrit dans le sillage du démantèlement de l’USAid et la politique anti-avortement de Trump.

Après des semaines de flou sur l’avenir de ce stock – le département d’Etat américain indiquait encore mardi à Libération n’avoir «aucune information sur ces contraceptifs et leur état de destruction» –, de mobilisation de députés de gauche en France pour s’opposer à leur incinération, de négociations menées entre la Belgique et les Etats-Unis ou encore d’une lettre envoyée par des dizaines d’eurodéputés, la décision redoutée par les associations est tombée ce vendredi, par le biais d’un article du New York Times. Tous les contraceptifs auraient été détruits sur ordre de l’administration Trump, selon un communiqué d’un responsable de l’USAid, agence américaine pour le développement international, désormais intégrée au Département d’Etat.

«Le président Trump s’engage à protéger la vie des enfants à naître partout dans le monde. L’administration ne fournira plus de contraception abortive sous couvert d’aide étrangère», souligne une porte-parole de l’USAid au New York Times, en suggérant donc, faussement, que les pilules contraceptives s’apparentent à un avortement. Or aucun des contraceptifs concernés ici n’est abortif.

Les informations obtenues par le quotidien américain ne permettent pas de préciser quand cette destruction aurait eu lieu. Ni à quel endroit, alors qu’une incinération sur le sol français avait début août été mentionnée, dans des incinérateurs spéciaux capables de prendre en charge ce type de matériel.

Une affirmation démentie par la Belgique

A contrario, le cabinet du ministre flamand de l’Environnement et de l’Agriculture, qui gère actuellement ce dossier, assure à Libération que les déclarations de l’Agence américaine pour le développement international «affirmant que les contraceptifs stockés chez Kuehne & Nagel» à Geel, en Belgique, ont été détruits sont «incorrectes». Et de détailler : «Selon l’Agence publique pour la gestion des déchets dans la région de Flandre, en Belgique, ces produits sont soumis à l’interdiction d’incinération des biens réutilisables. Une telle incinération ne peut avoir lieu que si une dérogation à l’interdiction d’incinération est accordée par le ministre de l’Environnement et qu’une double taxe sur l’incinération des déchets est payée.» Or, à ce jour, «aucune dérogation de ce type n’a été demandée ni accordée».

Cette même source, un porte-parole du ministre flamand de l’Environnement Jo Brouns, souligne par ailleurs que ce vendredi matin, «le service chargé de l’application de la loi du ministère de l’Environnement a effectué des inspections sur place et a confirmé qu’aucun envoi n’avait été envoyé à l’incinération». Le stock, dans sa totalité, reste à l’heure actuelle encore intact, assène-t-il.

De son côté, le ministère belge des Affaires étrangères, qui répète à Libération depuis début août avoir «engagé des démarches diplomatiques auprès de l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles», assure continuer d’explorer «toutes les options diplomatiques et juridiques disponibles pour éviter la destruction des produits».

167 000 dollars de frais

Plusieurs organisations internationales, dont la Fondation Gates et la Fondation du Fonds d’investissement pour l’enfance, avaient proposé de racheter ce stock, précise par ailleurs le New York Times, qui a eu accès à des documents et des correspondances internes du Département d’Etat et de l’USAid. Sarah Shaw, directrice du plaidoyer pour MSI Reproductive Choices, une ONG britannique, précise elle aussi à Libération avoir proposé de racheter ce stock.

Des propositions balayées d’un revers de main par l’administration Trump, qui a plutôt décidé de détruire ces produits pour une enveloppe estimée à 167 000 dollars. Le tout pour «éviter de contrevenir à une directive administrative mettant fin au soutien aux organisations impliquées dans des pratiques reproductives coercitives», peut-on lire dans un mémo consulté par le New York Times.

Sarah Durocher, la présidente du Planning familiale, déplore, elle, une «décision dramatique» qui «met en danger la vie de millions de femmes», tout en regrettant le manque de réactions de la part de la France, «qui n’a pas pris une seule fois la parole à ce sujet».