Derrière leurs notes olfactives entêtantes se cache un scandale. La BBC révèle ce mardi 28 mai, dans une large enquête, que certains des ingrédients clés utilisés dans les parfums haut de gamme proviennent de pays dans lesquels le travail des enfants est répandu. Le média britannique dévoile notamment que le jasmin, utilisé par les fournisseurs des parfums de luxe français Lancôme et américain Aerin Beauty, est ainsi largement cueilli par des enfants en Égypte, alors que le travail des moins de 15 ans y est considéré comme illégal. Des vidéos tournées en caméra cachée dans les champs de jasmin égyptiens lors de la saison de la cueillette 2 023 attestent pourtant de ces pratiques.
La BBC met notamment en avant le cas de Heba, mère de famille vivant dans un village du district de Gharbia, au cœur de la région du jasmin. En raison du faible prix du jasmin, Heba se voit obligée de faire participer ses quatre enfants, âgés de 5 à 15 ans, à la cueillette de la plante aux fleurs parfumées. Un cas loin d’être isolé : au cours de son enquête, le média britannique a découvert que, dans quatre lieux différents, un nombre important de cueilleurs travaillant dans de petites exploitations agricoles étaient des enfants âgés de moins de 15 ans.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur les pratiques esclavagistes modernes, Tomoya Obokata, interrogé par la BBC, s’est dit troublé par ces révélations. «Sur le papier, ils [les industriels] promettent tant de bonnes choses, comme la transparence de la chaîne d’approvisionnement et la lutte contre le travail des enfants. En regardant ces images, on s’aperçoit qu’ils ne font pas ce qu’ils ont promis de faire», dénonce-t-il. Le Caire produit environ la moitié de l’offre mondiale de fleurs de jasmin, un élément clé de la parfumerie, et embauche près de 30 000 personnes dans cette industrie.
«La pire forme de travail des enfants»
Cette enquête de BBC révèle ainsi que ces grandes marques de parfums pourraient avoir recours à la «pire forme de travail des enfants» dans leur chaîne d’approvisionnement. En réponse à ces révélations, l’entreprise française L’Oréal, propriétaire de Lancôme, a déclaré s’être engagé à respecter les droits de l’homme, ajoutant que l’entreprise ne demandait jamais aux maisons de parfumerie d’acheter leurs ingrédients à un prix inférieur à celui du marché. «Malgré nos engagements forts, nous savons que dans certaines parties du monde où les fournisseurs de L’Oréal opèrent, il y a des risques que nos engagements ne soient pas respectés», a ajouté la marque, interrogée par la chaîne britannique.
Reportage
Givaudan, maison de parfums située en Suisse et plus grande entreprise mondiale du secteur des arômes et de la parfumerie, notamment à l’origine de la production de Lancôme Idôle L’Intense, a quant à elle qualifié l’enquête de «très alarmante». Enfin, la marque américaine Estée Lauder, propriétaire d’Aerin Beauty, a assuré de son côté avoir contacté ses fournisseurs pour «enquêter sur cette affaire très sérieuse» et «pour améliorer la transparence et les moyens de subsistance des communautés qui s’approvisionnent en jasmin».