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Libération
Droits humains

L’impossible visite de l’Union européenne au Xinjiang

Des représentants de pays membres de l’UE refusent de se rendre au Xinjiang tant que la Chine ne les autorise pas à rencontrer l’universitaire ouïghour Ilham Tohti, emprisonné à vie.
Des manifestants mobilisés pour la libération de l’universitaire ouïghour Ilham Tohti, à Berlin, en septembre 2020. (Britta Pedersen/picture alliance/dpa/dpa-Zentralbild)
publié le 19 mars 2021 à 15h12

L’Union européenne est dans l’attente. L’ambassadeur de Chine auprès des Vingt-Sept, Zhang Ming, a assuré mardi que «presque tout a été arrangé» depuis 2019 pour que des diplomates étrangers se rendent au Xinjiang, dans l’extrême ouest de la Chine. Mais certains membres de l’UE refusent de s’y rendre tant que la visite est strictement encadrée par l’Etat chinois.

Le Xinjiang, immense région riche en ressources naturelles, est au centre de toutes les attentions. Pékin y a lancé une immense campagne de répression contre les ethnies locales musulmanes, principalement les Ouïghours, en internant des centaines de milliers de personnes en camps de rééducation, que Pékin présente comme des «formations professionnelles» destinées à éloigner la population de l’«extrémisme religieux».

«Les négociations sont dans l’impasse à cause de Tohti», a déclaré un diplomate européen sous couvert d’anonymat à l’AFP. Ouïghour, Ilham Tohti, 51 ans, ancien professeur d’économie, a été condamné à la prison à vie en 2014. Le procès pour «séparatisme» de cet universitaire pacifiste, accusé d’avoir fait l’apologie des attentats dans la région, avait suscité l’indignation de gouvernements étrangers et d’organisations internationales.

«Nelson Mandela du Xinjiang»

Le Parlement européen lui a décerné le prix Sakharov des droits de l’Homme en 2019 et réclame sa libération. «Le régime chinois a un instinct infaillible pour repérer des possibles leaders charismatiques. Ilham Tohti aurait été un leader extraordinaire pour les Ouïghours. C’est un bon orateur. Il sait lire, écrire et enseigner, donc c’est une menace pour eux. Il aurait été le Nelson Mandela du Xinjiang», juge Marie Holzman, sinologue et spécialiste de la Chine contemporaine.

La famille de l’intellectuel n’a aucune nouvelle depuis leur dernière visite début 2015. «Si la Chine n’avait rien à se reprocher, elle permettrait à l’Union européenne et à d’autres de voir Ilham Tohti. La Chine n’a jamais autorisé la moindre personne à rencontrer un prisonnier dans le pays, que ce soit une féministe, un moine tibétain…, précise Marie Holzman. En délivrant très difficilement des autorisations de visite, la Chine signe en quelque sorte la condamnation de son régime. C’est un aveu de faiblesse de sa part.» Alors qu’elles ne proposent que des visites guidées façon village Potemkine aux représentants de l’ONU ou de l’UE, les autorités chinoises déplorent, officiellement, que les observateurs étrangers ne fassent pas le déplacement au Xinjiang.