«Pourquoi nous, les descendants des vainqueurs, devrions-nous avoir honte et nous repentir au lieu d’être fiers de notre glorieux passé ?» Voilà, capturé en une phrase par le procureur Jafiarov, le réel enjeu du procès Memorial, qui vient de s’achever ce mardi par la mise en liquidation de l’association. La reconnaissance, sans doute bien involontaire, d’une évidence : si ce procès a formellement traité de la loi sur les «agents de l’étranger», de soi-disant «violations répétées» de cette loi par l’ONG de défense des droits humains et de sa structure juridique, si procureurs et avocats se sont opposés dans des joutes oratoires sur les détails de cette loi, les formes du texte «d’avertissement» dont les «agents de l’étranger» sont censés préfacer leurs publications, le concept même de «publication»… tout ceci n’était qu’un transparent prétexte.
Trente ans après la chute
Ce qui s’est joué, lors de ce procès, était l’affrontement de deux visions de l’histoire soviétique et de deux légitimités à la raconter. Celle de l’Etat russe, qui se veut l’héritier de l’URSS et le tenant d’une histoire ripolinée, débarrassée de ses aspérités, uniformément héroïque et appuyée sur le mythe fondateur de la victoire de 1945. Contre celle d’une partie de la société civile russe, héritiers de la glasnost, tenants du devoir d’inventaire et de mémoire sur les pages sombres de l’histoire soviétique, celles du totalitarisme et des répressions staliniennes.
Tournant national-conservateur
Memorial en est le porte-flambeau. Fondée en 1988, alors q