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Midterms : pourquoi on ne connaît toujours pas les résultats définitifs aux Etats-Unis

Midterms: Élections américaines de mi-mandat 2022dossier
Appelés aux urnes mardi, les Américains ne connaissent toujours pas les résultats définitifs. La faute à des règles électorales propres à chaque Etat.
La nuit électorale sur CNN diffusée dans le QG du candidat démocrate au Sénat de Géorgie, Raphael Warnock mardi 8 novembre 2022, à Atlanta. (Michael M Santiago/Getty Images/AFP)
publié le 11 novembre 2022 à 16h47

Trois jours que les Américains ont voté pour élire leurs représentants au Congrès, des sénateurs, des gouverneurs et une floppée d’élus locaux. Mais les résultats définitifs de ce scrutin crucial de mi-mandat pour Joe Biden se font toujours attendre. En cause, des règles propres à chacun des 50 Etats américains, qui rendent ce scrutin particulièrement complexe. La majorité pour le Sénat (la chambre haute du Congrès) risque de se jouer en Géorgie - devenu un point brûlant de la carte électorale américaine - lors d’un nouveau tour organisé le 6 décembre prochain… Aucun des trois candidats en lice n’ayant atteint la barre nécessaire des 50 %.

Les origines de ce système de deuxième tour sont controversées. L’élu qui, dans les années 1960, avait proposé que la Géorgie l’adopte, y voyait une façon de «contourner la force politique croissante des personnes noires», selon un rapport du ministère de l’Intérieur. Si le deuxième tour était répandu dans les Etats du Sud ségrégationniste, certains l’utilisent encore aujourd’hui pour leurs primaires. Néanmoins, seules la Géorgie et la Louisiane l’emploient pour leurs élections. Ironie pour cet héritage d’un passé raciste, les deux candidats cette année en Géorgie, Raphael Warnock et Herschel Walker, sont afro-américains.

Votes sur machines, sur papier, à distance, sur place…

«Si la Floride peut compter 7,5 millions de bulletins en 5 heures, comment est-il possible que certains Etats mettent des jours à en compter 2 millions ?», s’est agacé sur Twitter le sénateur républicain Marco Rubio. Les résultats d’une élection américaine annoncés le soir même sont des estimations des médias, concoctés à l’aide d’experts en statistique.

Parce qu’aux Etats-Unis, terre de zones ultra-urbaines comme de régions extrêmement rurales, chaque Etat peut adapter la façon dont sa population exprime sa voix. Certains Américains votent sur des machines, d’autres avec des bulletins papier. Certains votent sur place, d’autres à distance, des semaines à l’avance, ou le jour du scrutin. Le vote par correspondance, généralisé depuis la présidentielle de 2020, organisée en pleine pandémie, complique aussi les choses.

En outre, les bulletins américains sont longs à dépouiller : les citoyens répondent à une multitude de questions, pour élire représentants, procureurs ou participer à des référendums. Et les votes exprimés par correspondance le sont encore plus : ils nécessitent une préparation, et peuvent arriver plusieurs jours après celui de l’élection. L’Ohio et l’Alaska comptent même ceux arrivés jusqu’à dix jours plus tard. Dans de nombreux Etats, les agents électoraux n’ont de toute façon pas le droit de commencer à les compter à l’avance. Le temps additionnel nécessaire pour les prendre en compte alimente régulièrement les théories du complot, comme ce fut le cas en 2020. Et ces voix sont essentielles puisqu’elles peuvent faire basculer un siège si les candidats sont proches.

Défi logistique

Organiser des élections dans un immense pays aux quelque 333 millions d’habitants est un véritable défi logistique. Le processus se fait rarement sans quelques couacs. Cette année, les machines électorales d’un comté en Arizona ont ainsi rencontré des problèmes de fonctionnement qui ont perturbé le vote de ce mardi. Certains républicains y ont vu une preuve de fraude, une affirmation immédiatement rejetée par les autorités.

Même sans incident technique, les résultats peuvent tout simplement être extrêmement serrés - comme George W. Bush et Al Gore en avaient fait l’expérience pour l’élection présidentielle de 2000, dont l’issue n’avait été connue que 36 jours plus tard. En 2020, les résultats de l’élection présidentielle entre Joe Biden et Donald Trump n’avaient été donnés que quatre jours après. La même année, l’attente pour savoir quel parti obtiendrait la majorité au Sénat avait duré des semaines, là encore à cause d’un deuxième tour en Géorgie.

En cas de doute, le recomptage s’impose. Une vingtaine d’Etats ont des lois l’ordonnant automatiquement si la marge entre deux candidats est trop faible. En 2008, une élection pour un siège de sénateur dans le Minnesota avait donné lieu à une bataille légale épique. Les résultats avaient été connus… huit mois après le scrutin.