«C’est plus qu’un rêve, c’est je ne sais pas quoi, c’est impossible… Je vais rentrer enfin chez moi.» Ahmad a 16 ans, débite maladroitement les mots qu’il cherche entre deux sourires, pour parler de ce «chez lui» qu’il n’a presque jamais vu. Sur la route qui mène à Damas depuis l’est du Liban, il raconte son histoire, celle d’un enfant qui venait d’avoir 3 ans quand sa famille a dû quitter Alep pour se réfugier au Liban. Aujourd’hui, il le sait, le régime de Bachar al-Assad est tombé, et ce soir, il ne sera plus un réfugié. Autour de lui, des voitures se pressent vers le passage frontalier de Masnaa, les coffres chargés de coussins, de meubles. Ahmad est en train de les saluer sur le chemin. Ils sont une centaine derrière lui à brandir le drapeau de la révolution syrienne, à danser la dabké dans un équilibre précaire sur les parapets de l’autoroute. «Le peuple a fait tomber le régime !» scandent-ils en chœur, reprenant les slogans de la révolution.
A la frontière, l’armée libanaise les laisse passer en cortège, sans trop de contrôles. Certains n’ont pas de voiture et traversent à pied la chaîne de montagnes de l’Anti-Liban. Un soldat libanais est posté à la dernière guérite qui sépare le pays de la Syrie. Les kilomètres qui suivent appartenaient hier encore au régime de Bachar