Pour la première fois depuis des mois, les combats sont officiellement suspendus dans une partie de la bande de Gaza. Depuis dimanche 16 juin, l’armée israélienne observe une «pause tactique» et «locale» pour «augmenter le volume d’aide humanitaire» qui entre dans l’enclave. Cette pause est limitée dans le temps - elle ne s’applique que de 8 heures à 19 heures - et surtout dans l’espace, puisqu’elle concerne uniquement une étroite bande d’une dizaine de kilomètres de long, qui entoure la route reliant le poste-frontière de Kerem Shalom, principal point d’acheminement de l’aide humanitaire vers le sud de Gaza, à l’hôpital européen de Khan Younès, un des derniers encore «opérationnels» dans la bande.
Ailleurs dans l’enclave, il n’y a «pas de changement» dans la politique de l’armée israélienne et les «combats à Rafah continuent comme prévu», a indiqué Tsahal. Des frappes ont été signalées dans le nord et des explosions recensées dans le Sud. L’efficacité même de cette «pause» pour le ravitaillement humanitaire est questionnable. Selon les données de l’Unrwa, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, les derniers camions d’aide à être entrés dans la bande de Gaza sont passés le 12 juin. Aucune nouvelle entrée n’a été rendue publique depuis le début de la «pause tactique».
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L’armée israélienne en fait reposer la responsabilité sur les ONG. Selon leur porte-parole, Daniel Hagari, 1 200 camions plein de nourriture, d’eau, de couches et de médicaments attendent au checkpoint de Kerem Shalom sans que les organisations internationales ne les fassent entrer dans l’enclave. Ces dernières semaines, les humanitaires avaient répété que la route était devenue trop dangereuse pour opérer : depuis le début de la guerre, 246 travailleurs humanitaires ont été tués, notamment lors d’opérations de distribution de nourriture. Dimanche, l’ONU a salué la «pause» mais aussi demandé «d’autres mesures concrètes» pour faciliter les livraisons d’aide.
Famine
Avec l’offensive israélienne sur Rafah, la situation humanitaire des Gazaouis s’est encore aggravée. L’arrivée d’aide s’est effondrée en mai quand Tsahal a pris le contrôle du poste de frontière de Rafah, seul point de passage avec l’Egypte. De 5 671 camions d’aide en avril, on est tombé à 1 656 en mai, puis à 460 à ce jour en juin, selon les chiffres de l’Unwra. Dans l’enclave où 75 % des habitants ont été déplacés, et où plus de 50 000 enfants auraient besoin d’un traitement pour lutter contre la «malnutrition aiguë», plus de la moitié de la population pourrait être «confrontée à la famine et à la mort» d’ici la mi-juillet selon un rapport de l’ONU.
Malgré le caractère très limité de cette «pause tactique», la mesure a provoqué des remous en Israël. Selon ce qu’a laissé entendre le gouvernement israélien, Benyamin Nétanyahou aurait appris la nouvelle par les médias dimanche. «Lorsque le Premier ministre a appris qu’une pause humanitaire de 11 heures était prévue dans la matinée, il s’est tourné vers son secrétaire militaire et lui a clairement fait comprendre que c’était inacceptable pour lui», indiquait un responsable israélien dimanche soir, sous couvert d’anonymat.
Quant à l’extrême droite nationaliste, qui gouverne avec Nétanyahou, elle est hors d’elle. Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, qui dirige l’un des partis religieux nationalistes de la coalition au pouvoir, a déclaré que celui qui avait décidé de cette pause était un «imbécile» qui devrait être renvoyé.