Informer depuis Gaza est extrêmement compliqué. Aucun journaliste ne peut y entrer, à l’exception de brèves incursions au sein d’unités de l’armée israélienne. Seuls ceux qui étaient sur place avant le 7 octobre continuent d’informer sur la situation. Parmi eux, des journalistes travaillant pour l’Agence France Presse, dont nous publions ce jour le reportage.
Aux premières lueurs du jour, alors même que la trêve avec Israël n’était pas encore entrée en vigueur dans la bande de Gaza, les déplacés étaient déjà des milliers à se presser, vendredi 24 novembre, sur les routes du sud du territoire pour «rentrer à la maison». Depuis 48 jours, les frappes étaient incessantes sur le territoire palestinien. Bombardements aériens, tirs d’artillerie, salves des chars postés à la frontière à l’Est, frappes depuis les navires de guerre à l’Ouest.
Avec la trêve de quatre jours, qui prévoit la libération d’otages israéliens en échange de prisonniers palestiniens, plus aucun tir ne résonnait vendredi matin à Khan Younès, dans le sud du petit territoire assiégé. Pourtant, le calme ne règne pas. Le fracas de la guerre a été remplacé par les klaxons des embouteillages et les sirènes des ambulances, qui tentent de se frayer un chemin au milieu des déplacés qui sortent en masse des hôpitaux où ils avaient trouvé refuge.
Hayat al-Mouammar, 50 ans, est pressée. Elle s’arrête à peine pour lancer à l’AFP : «Je rentre à la maison», dans le sud-est de Gaza. «On était dans une école, près de l’hôpital Nasser, on fuyait la mort, la destruction et tout ce qui se passe, lâche-t-elle, la voix étranglée. Je ne comprends toujours pas ce qui nous est arrivé, pourquoi nous ont-ils fait ça ?»
«Confiance»
Le 7 octobre, le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, a lancé une attaque d’une ampleur inédite en Israël. Il a tué 1 200 personnes, en majorité des civils, selon les autorités israéliennes, et capturé avec d’autres groupes armés palestiniens environ 240 otages.
Depuis, la vie des 2,4 millions de Gazaouis a basculé : Israël les bombarde sans répit. Près de 15 000 personnes, aux deux tiers des femmes et des enfants, ont été tuées, selon le gouvernement du Hamas, et plus de 70 % des habitants ont été forcés de quitter leur maison. Plus de la moitié des logements ont été endommagés ou détruits, selon l’ONU. Et aujourd’hui, tous n’ont qu’une hâte : retourner voir s’ils ont encore un toit.
Ahmed Fayad, 30 ans, repart dans son village, à quelques kilomètres de la ville, avec 70 membres de sa famille qui survivaient «dans une école», dit-il en fouettant l’âne qui tire sa carriole. Un homme âgé passe, un sac sur l’épaule. La voix enrouée, il explique qu’il a «confiance, car c’est la trêve». Aujourd’hui, il rentre enfin «au village», à Khouzaa, à l’est de Khan Younès, le long de la frontière avec Israël.
Autour d’eux, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants marchent ou se laissent porter sur des carrioles. D’autres sont montés dans des tuk-tuks avec des cartons, des petits sacs plastiques ou des sacs de voyage.
Pain et carburant
Mais des tracts lancés depuis les airs par l’armée israélienne préviennent : «La guerre n’est pas encore finie». L’armée considère que le tiers nord du territoire, où se trouve la ville de Gaza City, est une zone de combat et ordonne à tous les civils d’en sortir. «Revenir dans le Nord est interdit et très dangereux !!!» prévient le tract.
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Khaled al-Halabi, lui, aurait «voulu qu’il y ait une trêve dans le Nord aussi». Au début de la guerre, il est parti de Gaza City vers Rafah, dans l’extrême sud du territoire. Aujourd’hui, «j’aimerais pouvoir aller voir ma maison». Il ne prendra pas la route du Nord, mais, affirme-t-il à l’AFP, avec cette trêve, «on va enfin respirer après 48 jours».
«Des biens vont entrer, parce qu’on ne trouve plus de pain, de carburant ou de nourriture», se réjouit-il déjà, alors qu’au terminal de Rafah, point de passage avec l’Egypte, les premiers camions passent. Du carburant est arrivé, et les belligérants ont promis aux médiateurs qataris, américains et égyptiens que «200 camions d’aide passeront chaque jour».
Raëd Saqer, déplacé à Rafah, veut y croire. «Il nous fallait ces jours de trêve pour pouvoir soigner les blessés, pour que les gens puissent se remettre un peu, parce que les déplacés du Nord vivent une tragédie innommable», dit-il. «On espère que c’est la première étape vers un cessez-le-feu définitif».