Des corps mutilés, des visages ensanglantés, des enfants traumatisés… Les rares images qui parviennent encore à sortir de la bande de Gaza, soumise à un siège total depuis neuf jours, montrent le carnage qu’a provoqué la destruction de l’hôpital Al-Ahli Arabi, dans la vieille ville de Gaza, ce mardi 17 octobre. Aux alentours de 19 heures, une puissante déflagration a soufflé ce centre de santé anglican, où des milliers de Gazaouis avaient trouvé refuge après des jours de bombardements israéliens incessants sur l’enclave palestinienne.
La plupart passaient leurs nuits, souvent sur des matelas de fortune, dans la cour du jardin ou dans les étages supérieurs de l’hôpital, l’un des 22 centres de santé du nord de Gaza qui luttent pour répondre à la crise humanitaire. Au moins 3 478 Palestiniens ont été tués dans l’enclave palestinienne depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël, selon le ministère de la Santé du Hamas. Plus de 13 000 personnes ont été blessées. «Vous pouvez voir tous les corps sans vie derrière moi. Ces gens s’étaient abrités dans le seul hôpital de Gaza. Et ils ont été bombardés, témoigne un médecin dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, au milieu d’une dizaine de sacs mortuaires dans l’établissement Al-Ahli Arabi. Il s’agit d’un véritable génocide.»
«Punition collective»
Dans un bilan revu à la hausse mercredi, le Hamas a affirmé que l’explosion avait tué au moins 471 personnes, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Une version contestée un peu plus tard par un responsable d’un service de renseignement européen, qui estime que le tir meurtrier a fait «quelques dizaines de morts, probablement entre 10 et 50.» «Le bâtiment n’a pas été détruit, a ajouté cette source, selon laquelle «aucun élément ne corrobore» le fait que des centaines de personnes se trouvaient sur le parking où a atterri la frappe. Les autorités de Gaza ont immédiatement rejeté la responsabilité du bombardement sur l’armée israélienne, ce que dément Tel-Aviv, accusant le Jihad islamique, une autre organisation islamiste armée. Les nombreux blessés ont été transférés à l’hôpital Al-Shifa, le plus grand complexe médical de Gaza, lui aussi débordé par l’afflux de patients ces derniers jours. Des centaines d’autres victimes se trouveraient encore sous les décombres.
Cette frappe meurtrière a provoqué une onde de choc au sein de la communauté internationale, en particulier dans les pays arabes. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est dit «horrifié» par les «centaines» de civils tués, estimant que l’attaque terroriste du Hamas dans l’Etat hébreu ne peut «justifier la punition collective des Palestiniens» de Gaza, l’un des territoires les plus densément peuplés au monde, déjà soumis à un blocus israélien depuis 2007.
Interview
Le président français, Emmanuel Macron, a également changé de ton en déclarant que «rien ne peut justifier de prendre des civils pour cibles» : «La France condamne l’attaque contre l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza qui a fait tant de victimes palestiniennes. Nous pensons à elles.» Fidèles alliés d’Israël, les Etats-Unis ont pour leur part soutenu la version de Tel-Aviv imputant la destruction de l’établissement à des combattants palestiniens. A travers le monde arabe, l’explosion a également drainé des milliers de manifestants dans les rues d’Amman, de Tunis, de Beyrouth ou de Damas pour une «journée de colère».
Plus de 115 attaques contre les centres de santé
Les organisations humanitaires et de défense de droits de l’homme ont pour leur part intensifié leurs critiques à l’égard des bombardements israéliens et des instructions d’évacuation. A la veille de la destruction de l’hôpital Al-Ahli Arabi, le bureau du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a fait état d’«indications quotidiennes de violations des lois de la guerre et du droit international des droits de l’homme», considérant par ailleurs que les demandes d’évacuation du nord de Gaza peuvent être considérées comme une violation du droit international.
L’Organisation mondiale de la santé a appelé mercredi Israël et le Hamas à cesser toute attaque contre les structures médicales. Plus de 115 attaques contre les centres de santé en Palestine depuis le 7 octobre, selon l’agence onusienne.
Seule bonne nouvelle dans le flot d’horreurs qui nous parviennent : Israël a annoncé ce mercredi 18 octobre que l’aide humanitaire serait enfin autorisée à entrer dans Gaza par l’Egypte, où elle se masse depuis le début de la crise. «Israël n’empêchera pas l’aide humanitaire depuis l’Egypte tant qu’il s’agit de nourriture, d’eau et de médicaments pour la population civile dans le sud de la bande de Gaza», détaille un communiqué du bureau du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui précise qu’Israël «n’autorisera aucune aide humanitaire à partir de son territoire vers la bande de Gaza» tant que les otages pris par le Hamas «ne seront pas rendus».