Le sud de la bande de Gaza attend avec inquiétude l’offensive israélienne sur Rafah, dont le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a ordonné la préparation il y a quelques jours. Autour d’1,4 million de Palestiniens, en grande majorité déplacés depuis le mois d’octobre par les affrontements, s’entassent sur ce territoire exigu situé à la frontière avec l’Egypte, toujours fermée, sauf épisodiquement, pour laisser passer des ambulances et des personnes nécessitant des soins médicaux.
Netanyahou a confirmé ses intentions dimanche dans un entretien diffusé par la chaîne américaine ABC News, en qualifiant Rafah de «dernier bastion» du mouvement islamiste responsable de l’attaque terroriste du 7 octobre. «Il faut démanteler le Hamas en tant que force militaire qui contrôle un territoire. C’est à portée de main et nous ne devrions pas nous arrêter, a ajouté le Premier ministre israélien. Ceux qui disent qu’il ne faut absolument pas entrer dans Rafah sont en réalité en train de nous dire qu’il faut perdre la guerre, et laisser le Hamas sur place.»
Interview
Le même jour, un responsable du Hamas a affirmé à l’AFP que toute opération des forces israéliennes à la pointe sud de la bande de Gaza «menacerait les négociations» pour la libération des otages. Il a ajouté que Nétanyahou «essaie de s’affranchir» des négociations «en commettant un génocide et un nouveau désastre humanitaire à Rafah». Rafah est le dernier grand centre urbain où l’armée israélienne n’a pas encore pénétré. La ville, qui a vu sa population quintupler en quelques semaines, s’est transformée en un gigantesque campement de fortune où l’aide humanitaire qui arrive par l’Egypte est insuffisante. La population voit ainsi les prix des aliments s’envoler.
Multiples mises en garde
A l’étranger, plusieurs pays ont mis en garde contre une «catastrophe humanitaire» en cas d’assaut sur la ville. La France a demandé d’éviter un «désastre». «Une offensive israélienne à grande échelle à Rafah créerait une situation humanitaire catastrophique d’une nouvelle dimension et injustifiable», a réagi dimanche le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Christophe Lemoine. «Afin d’éviter un désastre, nous réitérons notre appel à un arrêt des combats», a-t-il ajouté dans un communiqué. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, redoute «une catastrophe humanitaire indescriptible».
Allié le plus fidèle d’Israël, même si Joe Biden a jugé jeudi «excessive» sa riposte à l’attaque du 7 octobre, les Etats-Unis ont indiqué qu’ils ne «soutiendraient pas» une opération d’envergure à Rafah. «Mener une telle opération maintenant sans planification et sans réflexion dans une zone abritant un million de personnes serait un désastre», avait mis en garde il y a quelques jours le département d’Etat américain. Un message directement martelé dimanche par le président américain au Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Lors d’un appel téléphonique, Joe Biden «a réaffirmé son opinion selon laquelle une opération militaire à Rafah ne devrait pas avoir lieu sans plan crédible et réalisable afin de garantir la sécurité (...) des plus d’un million de personnes s’y réfugiant», a indiqué la Maison Blanche dans un communiqué.
Les Emirats arabes unis ont exprimé leur «profonde inquiétude», et le Qatar a «fermement condamné» les menaces d’Israël sur Rafah. L’Organisation de la coopération islamique, dont le siège est à Djeddah en Arabie Saoudite, a dénoncé les «tentatives d’expulsion forcée du peuple palestinien de ses terres». Le président iranien, Ebrahim Raïssi, a appelé à exclure Israël de l’ONU, estimant que l’offensive à Gaza était «un crime contre l’humanité». A Rabat, des milliers de Marocains ont défilé dimanche en soutien au peuple palestinien.
«Un passage sécurisé»
Répondant à ces craintes, Nétanyahou a assuré dans son entretien avec ABC News qu’Israël garantira «un passage sécurisé à la population civile pour qu’elle puisse quitter» la ville, en restant flou sur les lieux où les civils pourraient se réfugier. Il a brièvement évoqué des zones au nord de Rafah qui ont été dégagées et pourraient être utilisées.
Même si les contacts, avec la médiation de l’Egypte et du Qatar, ne sont pas rompus, les projets israéliens éloignent la possibilité d’une trêve qui semblait à portée de main il y a encore quelques jours. Un cessez-le-feu permettrait un nouvel échange d’otages contre des prisonniers palestiniens détenus par Israël, comme celui réalisé en novembre quand 105 otages et 240 détenus avaient été libérés. Environ 250 personnes ont été enlevées en Israël le 7 octobre et emmenées à Gaza. Israël estimait après la première vague de libérations que 132 otages restaient retenus. Depuis, 29 seraient morts.
La branche armée du Hamas, les brigades Ezzedine al-Qassam, a affirmé dimanche que deux otages étaient morts et huit autres gravement blessés dans des bombardements des derniers jours. Ceux-ci se poursuivaient dimanche autour de Khan Younès, dans le nord de la bande de Gaza, où l’armée israélienne traque les combattants du Hamas depuis plusieurs semaines.