Menu
Libération
Décryptage

A Jérusalem-Est, l’esplanade des Mosquées, éternel lieu de tensions

Conflit israélo-palestiniendossier
L’esplanade des Mosquées, où s’est rendu mardi le ministre israélien d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, est non seulement un lieu de culte mais aussi une source de conflits depuis des décennies.
Vue sur le Dôme du Rocher situé sur l'esplanade des Mosquées, à Jérusalem, mardi. (Menahem Kahana /AFP)
publié le 4 janvier 2023 à 18h52

Esplanade des Mosquées, Mont du Temple ou bien Al-Aqsa, tant de noms donnés à ce lieu sacré pour les juifs et musulmans, mais qui est également le théâtre de violentes altercations entre Israéliens et Palestiniens. Mardi, le nouveau ministre israélien de la Sécurité nationale et figure de l’extrême droite, Itamar Ben Gvir, s’y est rendu. Une visite controversée qui a provoqué des réactions très vives, de la Jordanie à Washington, en passant par la Chine et les Emirats arabes unis.

L’esplanade des Mosquées, qu’est-ce que c’est ?

Cette esplanade se situe à Jérusalem-Est, et plus particulièrement dans le secteur palestinien de la ville. En hauteur et de forme rectangulaire, l’esplanade des Mosquées fait 14 hectares et surplombe la Vieille Ville et donc les quatre quartiers de Jérusalem : le quartier musulman, le quartier chrétien, le quartier juif et le quartier arménien. La partie orientale de Jérusalem, dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l’Etat auquel ils aspirent, est occupée par Israël depuis 1967 et a été annexée en 1980.

Appelée par les juifs Har HaBayit («Mont du Temple»), l’esplanade est le site le plus sacré du judaïsme. Elle a tout d’abord abrité le temple de Salomon, détruit une première fois en 586 av. J-C par le roi de Babylone, avant qu’il ne soit reconstruit et à nouveau détruit en l’an 70 par les Romains. Ce temple aurait abrité l’Arche d’alliance, un coffre qui contiendrait les dix commandements donnés à Moïse sur le mont Sinaï, selon la Bible. Le vestige le plus important et connu est le mur des Lamentations, situé en contrebas de l’esplanade, dans le quartier juif. Lieu sacré de prières pour les hommes et femmes juifs, ce mur soutenait l’esplanade où le temple se trouvait.

Pour les musulmans, ce lieu est nommé al-Haram al-Charif («Noble Sanctuaire») ou simplement Al-Aqsa («la plus lointaine»). L’esplanade abrite non seulement le Dôme du Rocher mais aussi la mosquée Al-Aqsa, où, selon la tradition musulmane, le prophète Mahomet s’est rendu. La construction de cette mosquée a débuté au VIIe siècle, après la prise de Jérusalem par le calife Omar. Le site est important pour les musulmans puisque le Dôme du Rocher se dresse sur la pierre d’où le prophète serait monté aux cieux sur sa jument ailée. L’esplanade est ainsi le troisième lieu saint de l’islam après la Grande Mosquée de La Mecque et la mosquée du prophète de Médine, en Arabie saoudite.

Quel est le statut de cet endroit ?

L’esplanade des Mosquées est source de conflit depuis longtemps notamment en ce qui concerne l’accès aux lieux. Après la guerre des Six Jours en 1967, l’administration de l’esplanade est dévolue au Waqf, une fondation islamique jordanienne. Un accord passé entre Israël et la Jordanie, appelé le «statu quo», définit les règles d’accès aux lieux. Les musulmans sont autorisés à monter à toute heure du jour et de la nuit sur l’esplanade et les non-musulmans à y pénétrer à certaines heures mais sans y prier. La sécurité des lieux est en revanche assurée par la police israélienne.

Néanmoins, ces dernières années, le nombre de juifs visitant l’esplanade a augmenté et des ultranationalistes juifs y prient parfois subrepticement après y être montés en simples visiteurs. Les Palestiniens craignent que l’Etat hébreu tente de modifier les règles du «statu quo» et par conséquent de l’accès à l’esplanade.

Un lieu épicentre des tensions

C’est sur cette esplanade que toute une série d’incidents violents ont éclaté :

En 1996, une décision israélienne d’ouvrir une nouvelle entrée à l’ouest de l’esplanade avait été perçue comme un blasphème par les Palestiniens. Des heurts avec la police israélienne ont éclaté et ont fait plus de 80 morts en trois jours.

Le 28 septembre 2000, la visite sur l’esplanade d’Ariel Sharon, alors leader de l’opposition de droite israélienne, avait été interprétée comme une provocation par les Palestiniens. Cette visite avait entraîné les violences marquant le début de la seconde Intifada contre l’occupation israélienne, après celle de 1987-1993.

En juillet 2017, l’installation de détecteurs de métaux à plusieurs entrées de l’esplanade avait donné lieu à plusieurs affrontements. Dix jours après cette décision, le gouvernement de Benjamin Nétanyahou rétropédalait et annulait toutes les installations déjà en place pour désamorcer la crise.

En mai 2021, des tensions à Jérusalem, et notamment sur l’esplanade, avaient conduit le mouvement islamiste palestinien Hamas à lancer des salves de roquettes depuis l’enclave de Gaza vers le territoire israélien. Quelques semaines plus tard, plusieurs Israéliens entraient dans la mosquée d’Al-Aqsa lors d’une démonstration de force nationaliste dont Itamar Ben Gvir faisait partie. Ces violences avaient engendré des tirs de roquettes et des manifestations nocturnes à Jérusalem-Est. Une guerre de onze jours entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et Israël avait suivi.

Au printemps 2022, des extrémistes juifs ont voulu sacrifier un agneau sur l’esplanade. Des jeunes Palestiniens se sont alors enfermés dans la mosquée d’Al-Aqsa pour «défendre» le bâtiment religieux. Des affrontements ont éclaté à plusieurs reprises, faisant des centaines de blessés palestiniens sur et autour de l’esplanade.