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Iran

A Téhéran, «nous ne voterons pas, nous ne trahirons pas le sang de nos enfants»

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Dans la capitale iranienne, la participation à la présidentielle de vendredi divise. Si pour certains, élire un réformateur permet de se positionner pour l’après-Khamenei, pour d’autres, s’abstenir est une question de dignité.
Lors d'un meeting du candidat réformateur, Masoud Pezeshkian, à Téhéran le 14 juin 2024. (Atta Kenare /AFP)
par Divan Shirazi
publié le 28 juin 2024 à 6h10

Une lecture de poésie s’achève dans un café animé au cœur de Téhéran. Un vieil homme, qui avait ému le public en récitant des extraits de l’épopée de Ferdowsi (Xe siècle), le Livre des rois, se déplace à présent de table en table, collectant de l’argent dans son chapeau. Le serveur rassemble les tasses de thé et de café vides. Un autre homme âgé, enthousiaste, se lève et circule parmi les tables en proclamant avec passion : «Nous ne votons pas.»

La première réaction de l’assemblée est la surprise. Mais peu à peu, les sourires se dessinent et les regards acquiescent. «Absolument pas», répond quelqu’un avec conviction. «Nous ne voterons pas. Nous ne trahirons pas le sang de nos enfants, le sang de Mahsa [Amini] et de Nika [Shakarami], et de tous ceux qui ont été tués.»

Des conversations s’engagent sur plusieurs tables. Certains convives regardent l’homme avec un mélange de prudence et de scepticisme. D’autres rient, puis changent rapidement de sujet et finissent leur verre. Mais il y a ceux qui, sourcils froncés et sourires simultanés, affirment : «Au contraire ! C’est justement pour cela qu’il faut voter cette fois-ci.» Un débat passionné s’engage, pendant plus d’une heure. Personne ne convainc personne, tandis que les autres clients, lassés d’entendre les mêmes arguments depuis plusieurs jours, rentrent chez eux.

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