Les eaux brunes de la rivière Logar sont aussi épaisses que du sang coagulé. Les récentes averses ont provoqué des inondations qui ont tout avalé sur leur passage, à commencer par les plantations de tomates qui peuplaient les berges. Au village, personne ne fut vraiment surpris. La rivière, rappellent-ils, donne autant qu’elle vole. Aujourd’hui, comme il y a onze ans, elle est un mouroir.
Une nuit d’août 2011, un combattant taliban de 25 ans nommé Ghulam Hazrat parvint, au bout de la troisième tentative, à abattre un hélicoptère américain à l’aide d’un lance-roquette. Le CH-47 Chinook, mastodonte d’acier flanqué de deux rotors, s’écrasa dans Burhani Khel avec ses 38 passagers, tuant sur le coup 30 militaires américains – dont 17 commandos d’élite de la Navy Seals –, ainsi que sept soldats afghans et un interprète. Ce fut, pour les Etats-Unis, l’incident le plus meurtrier de toute la guerre.
«Il y avait un morceau dans le champ là-bas, un autre à côté et la plus grosse partie de l’hélicoptère s’est écrasée juste ici dans la rivière», précise Hamed Faqiri d’une voix grave, les pieds enfoncés dans la boue et l’index tendu vers les flots. Comme la majorité de ses concitoyens, ce fermier de 40 ans qui officie en tant que malek (chef de village), ne cache pas sa fierté. «Et vous savez quoi ? Le soldat qui a tué Oussama Ben Laden trois mois plus tôt était aussi dans l’appareil !» ment-il. Dans les heures qui suivirent le crash, des troupes américaines déba