Depuis mercredi, les rues de la capitale afghane crachent des incitations à la prière. Au sein du gouvernement mis en place après la prise de la ville par les talibans le 15 août 2021, les responsables de l’application des lois religieuses ont expliqué avoir doté les rues de la capitale afghane de 400 haut-parleurs. Déjà présentes entre 1996 et 2001, lors de la première prise de pouvoir des talibans, les enceintes doivent permettre aux habitants «d’écouter l’adhan» (l’appel à la prière) selon un tweet du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice.
Reportage
Toujours dans une optique de remettre le religieux au cœur de la vie afghane, le gouvernement taliban a également multiplié les lieux de cultes. De nombreux espaces inutilisés ont été transformés en mosquées. D’autres sont réquisitionnés temporairement pour le vendredi, jour de prière le plus important. Le ministère le justifie par la nécessité de permettre à tous les habitants de la capitale de pouvoir prier en même temps.
Une liberté de plus en plus réduite
Anciennement dédié aux Affaires féminines, le ministère à l’origine de toutes ces réformes a été renommé en 2021 avec la même appellation qu’entre 1992 et 2001 : Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, donc. Un nom qui témoigne de la vision extrêmement rigoriste du gouvernement, en particulier vis-à-vis des femmes. La version radicale de l’islam promue par cette autocratie propose depuis près d’un an, un ensemble de lois rétrogrades : interdiction pour les femmes de poursuivre leur scolarité après la primaire, port obligatoire du voile intégral, disparition des femmes dans les institutions… Telles sont les contraintes mises en place dès les premiers mois de leur accession au pouvoir. Avec des manifestations souvent réprimées dans la violence, les Afghanes se plient progressivement à des lois toujours plus restrictives. Début novembre, des arrêtés leur ont interdit l’accès aux jardins publics, aux bains ou encore aux gymnases où elles pouvaient jusque-là encore se rendre malgré l’interdiction formelle de pratiquer un sport. Des interdictions qui diminuent, lois après lois, leur liberté dans l’espace public où elles ne pouvaient déjà plus circuler seules.
«Crimes moraux» et châtiments corporels
Depuis quelques jours, les aspects punitifs de la charia sont de nouveau appliqués. Exécutions publiques, amputation des voleurs ou lapidation de criminels redeviennent légales. Ce mercredi, trois femmes et onze hommes ont fait les frais de ce nouveau décret du chef suprême Haibatullah Akhundzada. Pour des faits de vol mais aussi de «crimes moraux», ils ont reçu plusieurs dizaines de coups de fouet. «Le nombre maximum de coups de fouet par personne était de 39», a déclaré le responsable de l’Information et de la culture, Qazi Rafiullah, à l’Agence France Presse, avant de préciser que ces châtiments corporels n’avaient pas été assénés en public.
Citant le chef suprême, un porte-parole des talibans précise que les condamnations pour vol, kidnapping, séditions ou même adultère «dans lesquels toutes les conditions de la charia […] ont été remplies» doivent être appliquées rigoureusement. Malgré l’absence de presse libre, traquée et muselée, de nombreuses images de flagellations et autres châtiments sont partagées sur les réseaux sociaux, également très utilisés par le pouvoir en place pour prêcher la loi islamique. Manière, dans un cas comme dans l’autre, de diffuser les actions du pouvoir au-delà des frontières du pays. C’est depuis Kandahar, berceau du mouvement fondamentaliste que le chef suprême Haibatullah Akhundzada plonge, décrets après décrets, l’Afghanistan dans une situation liberticide et moyenâgeuse.