Elles ont bravé l’interdiction. Plusieurs centaines de jeunes femmes rassemblées ce mercredi à l’entrée de campus universitaires en Afghanistan ont été empêchées d’entrer par des gardes armés, notamment devant les grilles de l’entrée de l’université à Kaboul, indique l’AFP. Cette mobilisation intervient au lendemain de la décision des autorités d’interdire désormais les études supérieures aux jeunes femmes.
Déjà interdites d’enseignement secondaire, les filles et femmes afghanes n’ont plus le droit, non plus, d’aller à l’université, selon une décision des fondamentalistes talibans revenus au pouvoir en août 2021. «Vous êtes tous informés de l’entrée en vigueur de l’ordre mentionné qui suspend l’éducation des femmes jusqu’à nouvel ordre», a écrit le ministre de l’Enseignement supérieur, Neda Mohammad Nadeem, dans une lettre adressée aux universités publiques et privées du pays. L’annonce, pour le moment non justifiée, a été faite alors que le Conseil de sécurité des Nations unies se réunissait à New York au sujet de l’Afghanistan.
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Plusieurs gouvernements étrangers, dont les Etats-Unis, avaient déclaré qu’un changement de politique en matière d’éducation des femmes était nécessaire avant d’envisager de reconnaître officiellement l’administration dirigée par les talibans et de débloquer l’aide humanitaire et financière.
«On nous met à l’écart de la société»
Après la prise de contrôle du pays par les talibans en 2021, les universités avaient été contraintes de mettre en œuvre de nouvelles règles, notamment pour séparer filles et garçons pendant les heures de classe. Cette nouvelle interdiction surprend d’autant plus qu’il y a moins de trois mois, des milliers de filles et de femmes avaient passé les examens d’entrée à l’université dans tout le pays. Fermés en raison des vacances d’hiver, les établissements devraient rouvrir leurs portes en mars.
«Non seulement moi, mais tous mes amis sont sans voix. Nous n’avons pas de mots pour exprimer nos sentiments. Tout le monde pense à l’avenir inconnu qui l’attend», a réagi, auprès de l’AFP, Madina, une étudiante sous couvert d’anonymat. L’espoir nous a été enlevé. Ils ont enterré nos rêves.» Reha, une autre étudiante : «Nous sommes condamnées, chaque jour. Alors que nous espérions progresser, on nous met à l’écart de la société.»
Après vingt ans de guerre avec les Américains et les forces de l’Otan, les talibans avaient pourtant promis de se montrer plus souples, mais ils sont largement revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001). Les filles avaient ainsi été autorisées à aller à l’école et les femmes pouvaient chercher un emploi, même si le pays est resté socialement conservateur. Mais depuis seize mois, les mesures liberticides se sont multipliées en particulier à l’encontre des femmes qui ont été progressivement écartées de la vie publique.
Burqa obligatoire
Dans une volte-face inattendue, le 23 mars, les talibans avaient refermé les écoles secondaires quelques heures seulement après leur réouverture annoncée de longue date. Le chef suprême des talibans, Haibatullah Akhundzada, est lui-même intervenu dans cette décision, selon un haut responsable taliban. Plusieurs dirigeants du mouvement fondamentaliste avaient déclaré qu’il n’y avait pas assez d’enseignants ou d’argent mais aussi que les écoles rouvriraient une fois qu’un programme d’enseignement islamique aurait été élaboré. Les jeunes filles étaient autorisées à recevoir des cours, mais seulement s’ils étaient enseignés par des femmes ou des hommes âgés.
Interview
Déjà privées d’étudier, les femmes, qui doivent porter la burqa ou un hijab en public, sont désormais bannies de la plupart des emplois publics ou payées une misère pour rester à la maison. Elles n’ont pas le droit non plus de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin. Pire, en novembre, les talibans leur ont également interdit d’entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics.
Les manifestations de femmes contre ces mesures, qui rassemblent rarement plus d’une quarantaine de personnes, sont devenues risquées, les talibans n’hésitant pas à ouvrir le feu. De nombreuses protestataires ont été arrêtées et les journalistes sont de plus en plus empêchés de couvrir ces rassemblements.