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Triste

En Afghanistan, les talibans brûlent les instruments de musique jugés «immoraux»

Le ministère des mœurs des talibans au pouvoir à Kaboul a envoyé au bûcher des instruments et équipements musicaux confisqués dans la province de Herat.
Depuis leur prise de pouvoir en août 2021, les autorités talibanes n'ont cessé d'imposer des lois pour faire respecter leur vision austère de l'islam, notamment en interdisant de jouer de la musique en public. (AFP. Afghanistan's Ministry for the Propagation of Virtue and the Prevention of Vice)
publié le 30 juillet 2023 à 16h48

Au milieu d’un paysage désertique, une épaisse colonne de fumée tâche de noir le ciel azur de la province afghane de Herat. Pourtant, ce n’est pas (que) du bois que les flammes dévorent, mais une guitare, un harmonium, un tabla, ainsi que des amplificateurs et des enceintes. Samedi 29 juillet, jugeant la musique «immorale», le ministère des mœurs afghan a envoyé au bûcher des instruments et équipements musicaux, dont la plupart ont été collectés dans les salles de mariage.

D’après le responsable du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice de la province de Herat, Aziz al-Rahman al-Muhajir, «la promotion de la musique entraîne une corruption morale et le fait de jouer de la musique égare les jeunes».

Vide culturel

Depuis leur prise de pouvoir en août 2021, les autorités talibanes n’ont cessé d’imposer des lois pour faire respecter leur vision austère de l’islam, notamment en interdisant de jouer de la musique en public. Déjà lors de leur premier passage au pouvoir (1996-2001), les talibans avaient appliqué une version stricte de la loi islamique créant un vide culturel : musique, théâtre, cinéma, danse, avaient été interdits. Puis, en août 2015, quelques jours seulement après la prise de Kaboul par les talibans, le chanteur folk Fawad Andarabi avait été abattu d’une balle dans la tête à côté de sa maison dans la province de Baghlan. Il était très populaire, notamment pour ses chansons à la gloire de l’Afghanistan et de ses montagnes.

Car pour les talibans, la culture ancestrale, comme la musique, est bannie. «Lors du précédent régime taliban, la place de la musique et des musiciens, c’était la tombe, témoignait en août 2021 sur France musique Daud Khan Sadozai, un musicien originaire de Kaboul ayant fui le régime taliban en 1996. Ils ont détruit systématiquement les instruments, les cassettes et les télévisions, tout ce qui pouvait servir de support à la musique, n’autorisant que les chansons de propagande ou religieuses.»

Mais les femmes demeurent les principales victimes de ces nouvelles réglementations et de la politique rigoriste du gouvernement. Elles ne sont autorisées à apparaître en public que si elles se couvrent le corps et le visage.

Mardi, des milliers de salons de beauté ont été fermés dans tout le pays, les autorités ayant jugé certains soins trop coûteux ou contraires à l’islam. Ainsi, les Afghanes, qui ne pouvaient déjà plus aller à l’école, à l’université, dans les parcs, les salles de sport, les hammams ou encore les jardins publics, se sont vu interdire le dernier espace où elles étaient autorisées à se retrouver entre elles, en dehors du domicile familial.