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Liberté de la presse

Afghanistan : Mortaza Behboudi, cinq mois de trop derrière les barreaux

Mortaza Behboudi, journaliste franco-afghan de 29 ans, a été arrêté à Kaboul le 7 janvier par les talibans alors qu’il s’apprêtait à récupérer son accréditation presse. Ses proches poursuivent leur mobilisation pour demander sa libération.
A Lesbos (Grèceà en 2020, Mortaza Behboudi devant la statue qui représente les réfugiés grecs d'Asie mineure arrivés sur l'île de Lebsos entre 1914 et 1923. (Mathias Benguigui)
publié le 7 juin 2023 à 16h01

Depuis que notre confrère, le journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, a été arrêté par les talibans à Kaboul alors qu’il s’apprêtait à récupérer son accréditation presse, 151 jours se sont écoulés. Son crime ? Avoir exercé son métier pour relater la vie en Afghanistan depuis que le pays est tombé aux mains des insurgés islamistes. Depuis ce 7 janvier 2023, ce professionnel de l’information, qui a notamment collaboré avec des médias comme Libération, Mediapart, la Croix ou France Télévisions, croupit derrière les barreaux d’une prison de la capitale afghane dans des conditions difficiles. Il serait sous le coup d’une accusation d’espionnage, un crime passible d’une lourde peine d’emprisonnement.

«A chaque instant, je pense à toi»

«Sa famille est autorisée à lui rendre visite deux fois par semaine, explique sa femme Aleksandra, jointe par téléphone. Il continue à prendre des médicaments pour lutter contre son anxiété, mais reste fort mentalement. Il est toujours aussi reconnaissant du soutien qui s’est mis en place pour le faire sortir de prison.» Cette Letto-Danoise, désormais installée à Paris, a mis fin temporairement à ses études pour se consacrer à la libération de son époux, qu’elle a rencontré dans un café de Copenhague, au Danemark, quelques années plus tôt.

Depuis l’arrestation de Mortaza Behboudi, elle a reçu deux courtes lettres, transmises par les équipes de la Croix-Rouge, qui ont pu rencontrer le journaliste en prison. La dernière date du 14 mai, le jour où Aleksandra a fêté ses 25 ans : «Je suis heureux de recevoir ton message, car je pensais à toi, je t’aime trop. Aujourd’hui, c’est ton anniversaire. J’espère que tu es heureuse avec ta famille en ce jour. Je te souhaite le meilleur. A chaque instant, chaque jour, je pense à toi. J’espère que tu vas bien. Ne t’inquiète pas pour moi, je vais bien.»

Le comité de soutien pour la libération de Mortaza Behboudi, créé le 9 février et réunissant les représentants de quinze rédactions et sociétés de production françaises avec lesquelles le reporter a travaillé, a appelé ce mercredi les internautes à publier des messages sur les réseaux sociaux afin de mettre fin à «cinq mois de détention arbitraire.» «Mortaza Behboudi est un journaliste talentueux, courageux, d’une générosité et d’une abnégation totales, a notamment déclaré Edwy Plenel, président et cofondateur de Mediapart, dans une vidéo. Ce n’est pas seulement un confrère, un collègue. C’est un ami.»

«Aucune avancée»

Un ami, Mortaza Behboudi l’est pour la plupart de ses collègues, qui n’ont jamais cessé de mettre en avant son professionnalisme et son engagement auprès des «sans voix». Pour exprimer leur soutien sans faille «dans ces temps difficiles», près de 180 personnes lui ont envoyé des cartes postales au siège de Reporters sans frontières (RSF), à Paris. La plupart proviennent de la ville de Douarnenez (Finistère), ville d’adoption du reporter.

Malgré cet élan de solidarité et la lettre envoyée aux talibans par le rapporteur spécial des Nations unies sur l’Afghanistan, Richard Bennett, notre confrère reste détenu à Kaboul sans aucune perspective claire de libération. «Il n’y a aucune avancée, regrette Antoine Bernard, directeur du plaidoyer et de l’assistance de RSF. Il est urgent de clore ce dossier et de sortir de ce statu quo.» La rédaction de Libération s’associe à ce constat et appelle les autorités françaises à tout faire pour obtenir la libération de Mortaza Behboudi.