C’est un signe supplémentaire de l’escalade des tensions, quelques jours après la mort de sept travailleurs humanitaires dans une frappe israélienne à Gaza. Dans une résolution adoptée ce vendredi 5 avril, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a exigé l’arrêt de toute vente d’armes à Israël. Un texte inédit, qui marque la première prise de position de l’instance au sujet du conflit qui fait rage depuis bientôt six mois.
Le document, virulent, appelle «tous les Etats à cesser la vente, le transfert et la livraison d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires vers Israël». L’Etat hébreu est accusé de recourir à des «armes explosives à large rayon d’action […] dans les zones peuplées de Gaza», sans considération pour la vie des civils.
«Génocide», un terme qui fait débat à l’ONU
Au total, 28 des 47 membres du Conseil ont voté en faveur du projet de résolution présenté par le Pakistan. Six pays ont voté non, dont les Etats-Unis et l’Allemagne, et treize se sont abstenus. Au cœur des débats : l’évocation du terme de «génocide», qui a suscité de nombreuses réticences et poussé la France à s’abstenir. Si le texte constitue une critique sévère à l’égard d’Israël, dont l’ambassadrice a dénoncé une résolution visant à «saper le droit d’Israël à se défendre», il a toutefois peu de chances de déboucher sur un changement concret. Le Conseil des droits de l’homme ne dispose pas de moyens contraignants pour imposer ses résolutions.
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Qu’importe, le vote reste avant tout symbolique. D’autant plus qu’il intervient quatre jours seulement après la mort de sept humanitaires – dont six étrangers – de l’ONG américaine World Central Kitchen, tués dans une frappe israélienne lundi soir. Une annonce qui a suscité une vague d’émotion et d’indignation à travers le monde. Et qui semble avoir poussé Joe Biden à sérieusement durcir le ton à l’encontre d’Israël, dont les Etats-Unis sont le principal allié, fournisseur d’armes et soutien diplomatique sur la scène internationale.
En France, la gauche se mobilise
Il n’y a pas qu’à Genève que les voix s’élèvent pour appeler à la fin du massacre à Gaza. Ce vendredi, une centaine de parlementaires français de gauche ont écrit à Emmanuel Macron pour lui demander «d’arrêter immédiatement toutes ventes d’armes, même celles jugées uniquement défensives, au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou». Accusant Paris d’être «en contradiction avec les traités internationaux» signés, ces 115 députés et sénateurs ont exhorté le Président à ne pas «risquer de rendre la France complice de génocide contre le peuple palestinien».
📝 Parce que la France ne doit pas, ne peut pas s'affranchir du droit international, 115 parlementaires demandent expressément au Président de la République de stopper immédiatement la vente d’armes à Israël.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) April 5, 2024
Le rôle de la France est de promouvoir la paix, pas de se rendre… pic.twitter.com/TwJykVg87c
Fin mars, les sites d’investigation Disclose et Marsactu ont publié une enquête, affirmant que la France avait «autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces de cartouches pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza». Des affirmations qu’a voulu nuancer Sébastien Lecornu. La licence permettant la vente de ces pièces, qui auraient été envoyées par la société Eurolinks au groupe israélien IMI Systems depuis le port de Marseille, «ne concerne que de la réexportation vers des pays tiers», a assuré le ministre des Armées.
Downing Street sous pression
De l’autre côté de la Manche aussi, un changement de ton s’observe. Parmi les sept employés de WCK, trois étaient des vétérans des forces armées britanniques. Une situation qui embarrasse, alors que Londres aurait vendu des armes pour plus de 574 millions de livres (668 millions d’euros) depuis 2008 à Israël, selon l’organisation Campaign Against Arms Trade. Dans une lettre adressée à Downing Street mercredi, plus de 600 représentants de la justice britannique – dont trois anciens juges de la Cour suprême – ont averti que le Royaume-Uni risquait d’enfreindre le droit international s’il n’arrêtait pas de fournir des armes à Israël.
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La semaine dernière, 130 députés et membres de la Chambre des Lords avaient réclamé la suspension des livraisons. Face à la pression croissante, le Premier ministre lui-même a déclaré mercredi, dans une interview accordée à l’émission Never Mind the Ballots du Sun, que la situation à Gaza était «de plus en plus intolérable». Les exportations d’armes sont soumises à un examen «minutieux», a tenu à rassurer Rishi Sunak, sans pour autant évoquer un embargo.
Dans l’opinion publique aussi, un virage semble en marche. Selon un sondage YouGov, réalisé fin mars, la majorité des électeurs britanniques (56 %) seraient favorables à l’interdiction des ventes d’armes à Israël. Près de six mois après le début du conflit, déclenché par l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, l’Etat hébreu serait-il en passe de perdre le soutien de ses principaux alliés ? Ce vendredi, l’armée israélienne a admis, dans un rare exercice de mea culpa, que la frappe contre les véhicules de l’ONG humanitaire était «une grave erreur» ayant résulté d’une série de défaillances.