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Crise

Attentat en Iran : les accusations fusent entre Téhéran et Washington sur l’origine des explosions

Iran—Etats-Unis, l'escaladedossier
Dans un contexte d’escalade régionale des tensions, l’Iran accuse Israël et son allié américain après l’attaque ayant causé la mort de 84 personnes mercredi. Les Etats-Unis nient toute implication et privilégient la piste terroriste.
Des personnes rassemblées autour du site d'une des explosions dans la ville de Kerman, mercredi 3 janvier 2024. (Sare Tajalli/ISNA.AP)
publié le 4 janvier 2024 à 12h28

Au lendemain de la double explosion en Iran, survenue à Kerman en plein recueillement de pèlerins près de la tombe du général Qassem Soleimani mort il y a quatre ans, la question revient avec insistance : qui est derrière cette attaque ? Ce jeudi 4 janvier, l’Iran et les Etats-Unis y vont tous deux de leur interprétation quant aux auteurs de l’attentat ayant fait 84 morts, selon le dernier bilan officiel publié par Téhéran.

L’attaque, qui a touché l’un des symboles modernes les plus vénérés de la République islamique, n’a pour l’heure pas été revendiquée. Mais pour l’Iran, qui a décrété ce jeudi une «journée de deuil national», les responsables sont tout trouvés : Israël, son ennemi de toujours, et son allié Washington. «La responsabilité de ce crime incombe aux régimes américain et sioniste, et le terrorisme n’est qu’un outil», a écrit sur X (anciennement Twitter) Mohammad Jamshidi, un conseiller du président iranien Ebrahim Raïssi.

«Absurde», a vite répondu le département d’Etat américain, équivalent du ministère des Affaires étrangères. «Les Etats-Unis n’ont été impliqués en aucune façon», a martelé le porte-parole du département d’Etat Matthew Miller, ajoutant : «Nous n’avons aucune raison de croire qu’Israël est impliqué». L’Etat hébreu n’a pas commenté dans l’immédiat. «Nous sommes concentrés sur les combats avec le Hamas», a balayé le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari.

Un haut responsable américain, resté anonyme, mène vers une autre piste : l’attentat «ressemble à une attaque terroriste, le genre de chose que l’EI [Etat islamique] a fait dans le passé». L’Iran a déjà été le théâtre d’attaques et d’attentats à la bombe meurtriers, dont plusieurs ont été revendiqués par des groupes qualifiés de «terroristes» par Téhéran. En 2019 par exemple, un attentat suicide dans le sud-est du pays contre un bus des Gardiens de la révolution, ayant tué 27 soldats, avait été revendiqué par le groupe jihadiste Jaish al-Adl.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, promet dans tous les cas une «réponse sévère». Un acte qualifié d’«odieux et lâche» par le président Ebrahim Raïssi, qui a annulé un déplacement prévu ce jeudi en Turquie, selon un média d’Etat. L’organisation terroriste islamiste palestinienne du Hamas, soutenue par Téhéran, a quant à elle fustigé un «acte terroriste […] qui cherche à déstabiliser la sécurité de la République islamique au service de l’agenda de l’entité sioniste [Israël]».

Le secrétaire général de l’ONU, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, la Jordanie, la Russie et l’Arabie saoudite ont eux aussi dénoncé l’attaque. «J’ai condamné cette attaque terroriste dans les termes les plus forts et j’ai exprimé [ma] solidarité avec le peuple iranien», a communiqué le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, après un appel avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian.

Contexte régional tendu

La double explosion survenue mercredi s’est produite près de la mosquée Saheb al-Zaman où se trouve la sépulture du général Qassem Soleimani. Une foule compacte de représentants du régime et d’anonymes s’y trouvait pour célébrer, comme chaque année depuis son assassinat en Irak dans une frappe de drone américain, le quatrième anniversaire de sa mort.

Homme clé et populaire du régime iranien, déclaré «martyr vivant» par l’ayatollah Ali Khamenei, Qassem Soleimani dirigeait la Force Qods – l’unité chargée des interventions extérieures iraniennes – et était reconnu pour son rôle dans la défaite du groupe jihadiste Etat islamique en Irak et en Syrie.

Cette attaque, la plus meurtrière en Iran depuis 1978, survient dans un contexte régional tendu depuis le début du conflit en octobre entre Israël et le Hamas à Gaza, et au lendemain de l’élimination du numéro 2 du Hamas, Saleh el-Arouri, dans une frappe près de Beyrouth. Attribuée par le Hamas et le Hezbollah à l’Etat hébreu, elle n’a jusqu’à présent pas été revendiquée, mais un responsable américain requérant l’anonymat a affirmé qu’elle était bien «israélienne».

L’Iran est le chef de file de «l’axe de la résistance», soutenant le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien dans un grand combat contre Israël et son allié américain.