«Costa Rica ? Mais pourquoi vous étiez aussi loin les gars ? » lance en hébreu l’employé en chasuble bleu El Al, la compagnie aérienne nationale israélienne. Il rature à la hâte quelques noms sur son bloc, vérifie d’un œil les documents militaires scrollés sur les portables. «Unité 8 200 ? Encore un ? Vous étiez tous en vacances, quoi !» plaisante-t-il à moitié. Aucun ne porte l’uniforme – ces vingtenaires en short, nez et oreilles percés, mollets tatoués, chaussures de rando aux pieds, tee-shirts pastel de surfeur sur les épaules, ont tout du backpacker type. A vrai dire, ils ressemblent exactement à ces jeunes vus sur les vidéos de la rave devenue massacre samedi.
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Les claques dans le dos sont bruyantes mais les mines sont fermées. Ils se donnent une contenance, alors qu’ils poireautent aux guichets d’El Al de l’aéroport de Roissy, où on leur délivre des billets coupe-file pour rentrer dare-dare à Tel-Aviv rejoindre les rangs des 300 000 réservistes mobilisés. A côté d’eux, des Israéliens de tous âges, quadras aux crânes tondus et sourcils épais qui se disent réservistes, jeune femme en pleurs au téléphone, grand-mère russophone aux cheveux violets qui ne parle pas hébreu mais veut rentrer chez elle, dans le nord du pays.
Il y a aussi ce Loubavitch bedonnant avec sa trousse à téfilines, là pour dépanner les militaires tête nue d’une kippa et de phylactères sacrés pour une prière avant l’embarquement. Les esprits s’échauffent sur l’ordre de priorités – qui est le plus âgé, qui attend depuis le plus longtemps un «stand by» (un siège vacant), qui a des enfants là-bas, qui doit rejoindre une mère ou un cousin. Pendant ce temps-là, personne ne parle de la guerre.