Dans l’habitacle sombre d’une voiture discrètement garée au fond d’une ruelle désertée, Shadi Hussein tente de dompter ses mains nerveuses, aux ongles courts et rongés. «C’est difficile d’être une jeune femme kurde, nous vivons encore dans une société très conservatrice», confie-t-elle de sa voix rauque, comme un préambule. Dehors, une nuit épaisse est tombée sur le village de Saruchawa, dans le district de Ranya, au nord-est du Kurdistan irakien, et seule une lampe de téléphone permet de discerner les traits de son visage aux pommettes hautes et rondes.
«J’ai 27 ans, et je ne peux pas être vue seule dehors. Chez moi, je ne pourrais pas dire ce que j’ai sur le cœur», explique-t-elle pour justifier cette rencontre en toute discrétion. Elle esquisse un sourire triste, puis ajoute : «J’aimerais pouvoir me marier, mais il n’y a plus d’hommes ici. Et comme je vieillis, j’ai peur que mon père ne m’oblige à devenir la seconde épouse d’un homme déjà marié.»
Dans cette région marginalisée, logée au creux des montagnes escarpées qui bordent l’Iran, une crise profonde et silencieuse secoue l’équilibre de la société kurde. Dans les rues, toutes et tous en conviennent : depuis quelques années, la migration massive de jeunes hommes vers l’Eur