C’était inéluctable. Chaque nouvelle frappe, chaque nouveau raid semblait l’annoncer. Et il ne faisait plus guère de doutes que des soldats israéliens allaient entrer sur le territoire libanais. Après presque deux semaines d’une campagne aérienne douloureusement efficace, qui a vu le grand chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et l’essentiel de son commandement militaire être éliminé, Tsahal passe ce lundi soir à la vitesse supérieure avec de premières incursions au sol dans le Sud-Liban. C’est le Département d’Etat américain qui l’a annoncé en disant avoir été informé par Israël. Le feu des tanks et de l’artillerie israélienne s’est fait entendre dans la foulée. Comme à Gaza, il y a un bientôt un an, le tonnerre des bombes aura précédé le grondement des chars pour en finir avec la milice chiite qui soutient activement le Hamas depuis le massacre du 7 Octobre.
Et comme d’habitude, les mises en garde répétées des pays engagées, mais aussi des alliés les plus proches d’Israël à commencer par les Etats-Unis, n’auront pas suffi à freiner Benyamin Nétanyahou. Le Premier ministre israélien et son cabinet de guerre ont même validé ces premières opérations, qui se veulent brèves, à peine quelques minutes après un énième appel au calme de Joe Biden. Le président américain était interrogé lors d’une conférence de presse s’il était au courant d’éventuelles opérations militaires terrestres : «Je suis plus au courant que vous ne le pensez et je suis d’accord pour qu’ils s’arrêtent. Nous devons avoir un cessez-le-feu maintenant.»
Incursions limitées
A défaut d’obtenir une véritable cessation des hostilités, les Etats-Unis semblent plutôt avoir négocié avec leurs alliés qu’une invasion à grande échelle du Sud-Liban soit évitée, à en croire le New York Times. Citant des officiels américains, le quotidien précise que d’intenses discussions ont eu lieu tout au long du week-end et qu’Israël s’est engagé à contenir ses mouvements de troupes à des incursions limitées. L’idée étant de s’attaquer à des positions de combat depuis lesquelles le Hezbollah cible depuis des mois les villes et kibboutz du nord de l’Etat hébreu. Les commandos engagés n’auraient donc pas vocation à rester sur le territoire libanais, mais reviendraient en Israël une fois leurs opérations terminées.
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Sur le terrain, les Casques bleus de la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban), qui surveillent notamment la frontière depuis 2006 et la dernière guerre israélo-libanaise, ont été obligés d’interrompre leurs opérations. Soit plus de 10 000 hommes restés «en position dans la zone de responsabilité de la mission, tandis que l’intensité des combats empêche leurs mouvements et leur capacité à remplir leurs tâches», a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU. Dans le nord d’Israël, les localités frontalières de Metoula, Kfar-Guiladi et Misgav Am, collée à la ligne bleue, ont été déclarées «zones militaires fermées» par l’armée israélienne. Et dans la ville de Kiryat Shmona, juste au sud, des dizaines de blindés humvees étaient stationnés, transportant des soldats en tenue de combat et dotés de lunettes à vision nocturne.
«Pas la dernière»
C’est donc une nouvelle étape redoutée des opérations au Liban qui commence. Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, avait pourtant semblé clair, plus tôt ce lundi, devant quelques dizaines de soldats déployés à la frontière : «Pour assurer le retour des communautés du nord d’Israël, nous utiliserons toutes nos capacités et vous en faites partie.» L’ancien officier de 65 ans avait multiplié les allusions depuis une semaine à une possible intervention de troupes au sol. Et surtout précisé ce lundi que l’élimination d’Hassan Nasrallah vendredi était «une étape importante, mais pas la dernière».
Face à la presse, lundi soir, le porte-parole du Département d’Etat, Matthew Miller, a donc confirmé avoir été informé par Tsahal d’opérations «limitées axées sur l’infrastructure du Hezbollah près de la frontière». «Israël a le droit de se défendre», a-t-il assuré, avant de répéter un vœu pieux qui sonne de plus en plus creux. Nous souhaitons voir une résolution diplomatique de ce conflit, qui permette aux citoyens des deux côtés de la frontière de rentrer chez eux.» Pour l’instant, l’heure est à l’exode pour les Libanais : après les centaines de milliers de civils qui fuyaient les bombardements, ce sont les soldats de l’armée qui désertaient les checkpoints du Sud-Liban à la nuit tombée.