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Reportage

Au Liban, les hôpitaux face à la crise : «On ne tiendra pas un an comme ça»

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En pleine crise économique, les établissements de santé de Beyrouth peinent à s’alimenter en électricité, à acheter des médicaments ou à recruter des soignants. Les patients, eux, n’arrivent plus à payer leurs soins.
A gauche : le directeur de l'hôpital beyrouthin Geitaoui, établissement privé, Pierre Yared. A droite : Raida al-Bitar, cheffe pharmacienne de l'hôpital public Rafic-Hariri. (Ségolène Ragu /Libération)
par Blandine Lavignon, Envoyée spéciale à Beyrouth
publié le 27 octobre 2022 à 18h29

Aux urgences de l’hôpital Geitaoui, en plein cœur de Beyrouth, les patients se pressent, visages graves. Tout en parcourant le service, le docteur Naji Abi Rached se désole : «Désormais, les gens ne viennent à l’hôpital qu’en cas d’extrême urgence car ils n’ont plus les moyens. Les pathologies ont changé on voit par exemple beaucoup plus de gens avec des insuffisances cardiaques, des infarctus, car ils ont arrêté leur traitement. Ce sont des cas aigus, plus qu’avant car il n’y a plus de visite de prévention». Lunettes enfoncées sur le nez, le cardiologue annote scrupuleusement le taux de fréquentation du jour.

Depuis 2019, le Liban traverse la plus grave crise économique de son histoire. La monnaie libanaise a perdu plus de 92 % de sa valeur, tandis que les hôpitaux se retrouvent dans l’incapacité de maintenir leurs services. Dans le pays, les prix des soins sont devenus si exorbitants que de nombreux malades y renoncent, le salaire minimum équivalant maintenant à une trentaine d’euros. Les assurances de santé libanaises ne prennent quasiment plus en charge les soins, qui sont facturés au taux pratiqué sur le marché noir. «On a un cas de conscience devant chaque malade : la personne ne peut pas payer, mais est-ce que nous, médecins, on peut la laisser comme ça ?» raconte le docteur. Le dédale des couloirs immaculés donne l’illusion que la struc