C’était la première fois qu’il s’exprimait dans un média français depuis le 7 octobre et le début de la guerre entre le Hamas et Israël. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a été interviewé ce jeudi 30 mai au soir sur LCI, pendant une trentaine de minutes. Auprès de Darius Rochebin, présentateur star de la chaîne d’info en continu du groupe TF1, le chef du gouvernement de l’Etat hébreu a justifié l’offensive meurtrière de l’armée israélienne dans la bande de Gaza et tenté de dresser des parallèles avec la situation en France. Voici les principaux points de son interview.
«Je ne veux pas tuer des Palestiniens»
Après une frappe qui a fait des dizaines de morts dans un camp de déplacés à Rafah, dimanche 26 mai, qu’il a qualifiée «d’incident tragique», Benyamin Nétanyahou est resté sur la même ligne ce jeudi soir : «Chaque mort de civils est une tragédie. Chaque fois que je vois un enfant ou une femme, ou un civil innocent mourir, pour nous, c’est une tragédie.» «Je ne veux pas tuer des Palestiniens, je veux tuer des terroristes», a-t-il ajouté. Avant de mettre en cause le mouvement islamiste : «Pour le Hamas, c’est une stratégie. Ils utilisent sciemment les civils comme des boucliers humains.»
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«C’est comme si on mettait De Gaulle et Churchill face au commandement allemand»
L’interview sur LCI a démarré sur la demande de mandat d’arrêt émise le 20 mai par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) ciblant, notamment, le Premier ministre israélien. Ce dernier a dénoncé «deux falsifications» qu’aurait commises le procureur de la CPI, Karim Khan. Benyamin Nétanyahou lui a reproché de «faire une fausse équivalence entre les dirigeants démocratiquement élus d’Israël et les chefs du Hamas». «C’est comme si on mettait De Gaulle et Churchill face au commandement allemand. […] C’est comme mettre Al-Qaeda et le président américain au même niveau dans le même procès.»
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La guerre pourrait «se terminer en cinq minutes»
Outre les bombardements quotidiens, des chars de Tsahal ont pénétré en début de semaine dans le centre de Rafah, ville du sud de la bande de Gaza où sont réfugiés une grande partie des 2,4 millions des habitants de l’enclave. «Il y a énormément de bataillons des terroristes du Hamas à Rafah», a justifié Nétanyahou. Il a ensuite affirmé que si l’armée israélienne ne poursuit pas son offensive, le Hamas «va simplement reconquérir Gaza. Ils vont de nouveau soumettre les Palestiniens, ils se serviront de Gaza comme d’une base pour continuer ces attaques», comme celle du 7 octobre, qui a causé la mort de plus de 1 189 personnes en Israël, majoritairement des civils.
Le chef du gouvernement israélien affirme que «la fin de la guerre pourrait arriver immédiatement si le Hamas dépose les armes, se rend et libère les otages. On peut terminer ça en cinq minutes». «Mais ce n’est pas ce qui se passe. Ils gardent les otages. Donc on fait tout ce qu’on peut pour les libérer», a-t-il martelé.
Plus tard, Nétanyahou a concédé, lucide : «Nous allons devoir vivre ensemble. Je ne veux pas faire partir les Palestiniens. Ils ne pourront pas nous faire partir. Nous devons négocier la paix.»
«Je ne dirais pas que Macron est un criminel de guerre»
Dans une autre tentative de justification des morts civiles dans les frappes de Tsahal, le chef du gouvernement de l’Etat hébreu a cité l’exemple du Mali, en janvier 2021, où «les forces françaises ont ciblé les commandants terroristes et ont accidentellement bombardé un mariage et il y a eu trois terroristes morts et énormément de morts civils». Benyamin Nétanyahou a qualifié l’incident de «tragédie», «quelque chose qui se produit dans la guerre». «Mais je ne dirais pas que Macron est un criminel de guerre. Je ne dirais pas que l’armée française a fait ça exprès et nous ne le faisons pas non plus», a-t-il conclu.
Au sujet du président français, son homologue israélien a déclaré avoir eu «de nombreuses discussions téléphoniques avec lui», mais pas «ces dernières heures et ces derniers jours, notamment après ce qu’il a dit sur la reconnaissance potentielle de l’Etat de Palestine».
«Un Etat palestinien en banlieue parisienne»
Le Premier ministre israélien s’est essayé à un parallèle avec la France, et notamment avec les attaques terroristes qui ont endeuillé l’Hexagone ces dernières années : «Vous devez comprendre que ce n’est pas seulement notre problème. Vous avez eu des choses horribles avec le professeur [Samuel Paty], le père Hamel égorgé dans son église, le massacre du Bataclan, les attaques de Toulouse… Vous avez ces terroristes qui sont chez vous et vous devez imaginer que si vous construisez un Etat terroriste, non pas à des milliers de kilomètres, mais dans la banlieue à côté de chez vous, est-ce que vous pensez que ça, ça créerait la paix ?»
Dans un autre parallèle géographique, Benyamin Nétanyahou a encore estimé qu’un «Etat palestinien dans la banlieue parisienne» serait synonyme de «milliers de terroristes qui veuillent détruire Paris, tuer des citoyens français, conquérir la France».
Interview
«3 200 calories par personne»
Le Premier ministre de l’Etat hébreu a aussi dénoncé toute volonté d’affamer la population gazaouie. «On a mis un demi-million de tonnes de nourriture et de médicaments à disposition. On a pavé des routes, on a ouvert des nouvelles voies terrestres, on a fait des largages par avion», a-t-il assuré. Avant d’avancer des chiffres – impossibles à vérifier – : «La consommation de calories» des habitants de l’enclave palestinienne assiégée depuis plus de sept mois par l’armée israélienne, «c’est 3 200 calories par personne. C’est 1 000 calories de plus que ce qui est requis au quotidien».
Les manifestants «ciblent la démocratie d’Israël»
Questionné au sujet des nombreuses manifestations dans le monde en soutien aux Palestiniens, depuis les universités américaines jusqu’à la place de la République à Paris, le Premier ministre israélien a répondu : «Je leur pose la question : où étaient-ils quand des millions de personnes étaient assassinées […] en Syrie, en Irak, au Yémen ? Des millions de personnes ont été tuées et à ce moment-là, ils n’ont rien dit.»
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«Les Palestiniens doivent avoir une autonomie»
Quelques jours après la reconnaissance de la Palestine par l’Irlande, l’Espagne et la Norvège, et alors que montent les appels à une solution à deux Etats, le Premier ministre israélien s’est montré intransigeant à ce sujet : «Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’un Etat palestinien, ce ne sera qu’un Etat fantoche de l’Iran. Ce sera un Etat terroriste. 80 % des Palestiniens soutiennent les massacres du 7 octobre».
Benyamin Nétanyahou a tout de même affirmé que l’Etat hébreu n’a pas l’intention de «se réinstaller à Gaza». «Ça ne nous intéresse pas d’administrer Gaza», a-t-il encore affirmé, disant préférer «une gestion civile» du territoire palestinien. Il a ouvert la porte à une «force internationale qui fasse cela», tout en disant «ne pas en voir se dessiner». «Les Palestiniens, une fois “déradicalisés”, doivent avoir une autonomie. Ils doivent se gouverner eux-mêmes.»
«Si je dois souffrir quelques désagréments […] eh bien soit»
Critiqué de toutes parts en Israël pour l’échec de son gouvernement dans la prévention de l’attaque du 7 octobre, sans compter le rôle de son action politique jusqu’à ces événements funestes, Benyamin Nétanyahou a une nouvelle fois botté en touche. «Je ne veux pas parler de moi, Ma situation personnelle, ce n’est pas le problème. […] J’ai combattu le terrorisme toute ma vie. Si je dois souffrir quelques désagréments dans ce combat contre le terrorisme, eh bien soit. Il ne s’agit pas de moi.»