Menu
Libération
Incident diplomatique

Ce que l’on sait de l’arrestation à Jérusalem de deux gendarmes français par la police israélienne

Conflit israélo-palestiniendossier
Des policiers israéliens ont arrêté ce jeudi 7 novembre deux gendarmes du consulat général français lors du voyage diplomatique de Jean-Noël Barrot dans l’Etat hébreu. L’incident s’est produit sur le site de l’Eléona, un lieu de pèlerinage chrétien donné à la France en 1868.
Deux personnels du consulat général de France ont été embarqués par des policiers israéliens qui n'ont pas précisé les raisons de ces arrestations. Ils ont finalement été relâchés. (Frederic Petry/Hans Lucas via AFP)
publié le 7 novembre 2024 à 19h52

«Ne me touche pas, ne me touche pas», répète en boucle en français un homme au polo blanc, dans une vidéo diffusée sur X par Sami Boukhelifa, correspondant pour RFI au Proche-Orient. L’homme s’adresse à des policiers israéliens, qui répondent en hébreu avant de lui demander de parler en anglais. Il renouvelle sa demande : «don’t touch me». Les officiers lui rétorquent qu’ils ne le touchent pas et qu’il doit venir avec eux. L’homme à qui ils s’adressent n’est autre qu’un gendarme français. Les policiers israéliens le mettent au sol avant de l’embarquer de force avec un autre de ses collègues. La scène s’est déroulée ce jeudi 7 novembre, sur un site géré par la France à Jérusalem : l’Eléona, le jour même de la visite du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Les deux personnels du consulat général de France ont finalement été relâchés.

Dans quel contexte l’incident s’est-il produit ?

L’événement s’est produit ce jeudi 7 novembre, alors que le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est en visite en Israël. Après s’être entretenu avec les familles d’otages français ce matin, avec son homologue israélien Israël Katz ainsi qu’avec le ministre des Affaires stratégiques de l’Etat hébreu Ron Dermer, il était attendu au sommet du Mont des Oliviers, à l’Eléona. Le ministre français devait y rencontrer les communautés des Pères blancs et des Carmélites, des ordres religieux catholiques, pour évoquer la question des travaux du domaine et participer à la récolte des olives qui poussent sur le lieu. Après les arrestations des gendarmes, il a refusé d’aller dans l’Eléona. «Je ne vais pas entrer […] aujourd’hui, parce que les forces de sécurité israéliennes y sont entrées de manière armée, sans obtenir auparavant l’autorisation de la France et sans accepter d’en sortir». Or l’Eleona est un domaine national appartenant à la France.

Qu’est-ce que l’Eleona ?

A l’est de Jérusalem se dresse le mont des Oliviers : un lieu de culte important pour les trois religions abrahamiques. A son sommet se trouve le site de l’Eléona, qui comprend la grotte du Pater. La légende raconte que Jésus Christ s’y est réfugié pour enseigner le «notre père» aux disciples. Le lieu est alors un site de pèlerinage pour les catholiques et est aussi surnommé Eglise du Pater Noster. Le site a fortement été endommagé au travers des siècles. Au XIXe siècle, la princesse Héloïse de la Tour d’Auvergne part pour Jérusalem et acquiert des hectares de terrain du mont des Oliviers. Elle y fait bâtir un cloître et fait don du site à la France en 1868. Aujourd’hui, quatre domaines appartiennent à la France en Israël, et leur «intégrité» doit être «respectée» a insisté Jean-Noël Barrot.

Est-ce que c’est le premier incident diplomatique du genre entre la France et Israël ?

Les autorités françaises ont déjà fait l’expérience de confrontations houleuses en Israël. L’incident le plus connu reste celui de 1996, où le président Jacques Chirac s’était emporté contre des soldats israéliens qui l’encadraient de trop près en lançant «do you want me to go back to my plane ?». De son fort accent franchouillard, il demandait aux officiers israéliens s’ils voulaient «qu’il remonte à bord de son avion.» Il avait fini par exiger que les militaires sortent de la Basilique Saint-Anne, autre propriété française.

En janvier 2020, Emmanuel Macron s’est emporté au même endroit, à Sainte-Anne, alors qu’il venait d’être bousculé. Il avait lancé en anglais à un policier israélien : «I don’t like what you did in front of me», c’est-à-dire «je n’aime pas ce que vous avez fait devant moi».

Quel avenir pour les relations franco israéliennes ?

Pour l’instant, aucune certitude pour le futur. Toutefois, Jean-Noël Barrot dénonce déjà cet incident diplomatique qu’il qualifie d’«inacceptable». Il souligne que «cette atteinte à l’intégrité d’un domaine placé sous la responsabilité de la France est de nature à fragiliser les liens» qu’il était «venu cultiver avec Israël, dans un moment où nous avons tous besoin de faire progresser la région sur le chemin de la paix». Le ministère israélien des Affaires étrangères a assuré dans un communiqué que «les procédures ont été clarifiées à l’avance lors de discussions préparatoires avec l’ambassade de France en Israël».