La tension monte encore d’un cran en Cisjordanie. Le président israélien Isaac Herzog a «condamné fermement» jeudi 15 août, dans la soirée, une attaque de colons juifs ayant eu lieu un peu plus tôt contre un village palestinien situé dans le nord du territoire occupé. Dans un message publié sur X (ex-Twitter), il a qualifié de «pogrom» ces violences ayant fait un mort et un blessé grave, selon l’Autorité palestinienne.
«Des colons armés ont attaqué le village de Jit, incendiant plusieurs véhicules», a rapporté l’agence de presse officielle palestinienne, Wafa. Vers 20 heures, «des dizaines de civils israéliens, dont certains masqués, [sont] entrés dans […] Jit, [ont] incendié des véhicules et des infrastructures dans la zone, et lancé des pierres et des cocktails Molotov», a rapporté le porte-parole de l’armée israélienne.
Envoyés sur les lieux, des soldats et des membres de la police aux frontières «ont évacué les civils israéliens de la ville», a ajouté le porte-parole, précisant qu’«un civil israélien ayant pris part à la violente émeute [avait] été appréhendé et transféré à la police israélienne pour un interrogatoire».
«Protéger toutes les communautés»
Selon le ministère de la Santé palestinien, l’attaque, ayant visé la localité de Jit, entre les villes de Naplouse et Qalqilya, a fait un mort, Mahmoud Abdel Qader Sadda, âgé de 23 ans, tué par «les balles de colons». Un autre Palestinien a été blessé grièvement par un tir à la poitrine, ajoute le ministère.
«Il s’agit d’une minorité extrémiste qui porte préjudice à la population des colons respectueux des lois, à la colonisation dans son ensemble, et à [la réputation] d’Israël dans le monde, pendant une période particulièrement sensible et difficile», a réagi Isaac Herzog. «Les forces de l’ordre doivent agir immédiatement contre ce phénomène grave et traduire les contrevenants en justice», a ajouté le président, dont le rôle est surtout protocolaire en Israël.
Vu d'Israël
«Les attaques par des colons violents contre des civils palestiniens en Cisjordanie sont inacceptables et doivent cesser», a martelé dans un communiqué un porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, organe rattaché à la Maison Blanche. Il a également exhorté les autorités israéliennes à prendre les mesures nécessaires pour «protéger toutes les communautés». «Cela comprend d’intervenir pour mettre fin à de telles violences, et de faire rendre des comptes aux auteurs de telles violences», a-t-il ajouté.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a annoncé ce vendredi qu’il entendait proposer des sanctions contre des responsables israéliens en réponse aux attaques de colons juifs en Cisjordanie occupée «dans une impunité quasi-totale». «Le gouvernement israélien doit immédiatement mettre un terme à ces actes inacceptables», a exhorté Josep Borrell sur X. «Je confirme mon intention de mettre sur la table une proposition de sanctions de l’UE contre ceux qui rendent possibles les actes de ces colons violents, y compris certains membres du gouvernement israélien», a-t-il ajouté.
Une colonisation qui pourrait devenir annexion
Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou «prend au sérieux les émeutes qui ont eu lieu ce soir dans le village de Jit», a souligné jeudi soir un communiqué de son bureau, assurant que «les responsables de tout acte criminel seront arrêtés et poursuivis en justice». Chef du Likoud, le grand parti de la droite israélienne, Nétanyahou gouverne depuis décembre 2022 avec l’appui de partis d’extrême droite, prônant l’extension de la colonisation israélienne en Cisjordanie occupée, et même l’annexion pure et simple de l’intégralité de ce territoire palestinien qu’Israël occupe depuis 1967.
«Les émeutiers de ce soir à Jit n’ont rien à voir avec la colonisation et les colons», a affirmé pour sa part le ministre des Finances Bezalel Smotrich (dirigeant du Mafdal, parti d’extrême droite), grand architecte de l’extension de la colonisation juive en Cisjordanie observée depuis décembre 2022, et tout spécialement depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. «Ce sont des criminels qui doivent être traités par les autorités chargées du maintien de l’ordre public et avec toute la sévérité de la loi», a-t-il ajouté.
«Il ne s’agit pas d’une minorité extrémiste et d’un problème mineur, mais d’un groupe violent qui bénéficie d’un énorme soutien de la part du gouvernement», a rétorqué l’opposant Yaïr Golan, cité dans le média israélien Haaretz. Le ministère palestinien des Affaires étrangères a même qualifié ce vendredi l’attaque de colons juifs sur un village palestinien de Cisjordanie occupée de «terrorisme d’Etat organisé».
Billet
L’entreprise de colonisation israélienne en Cisjordanie est régulièrement dénoncée comme une violation du droit international par l’ONU, qui y voit un des obstacles majeurs à l’établissement d’une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens.
Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, les violences ont flambé en Cisjordanie. Au moins 633 Palestiniens y ont été tués par l’armée israélienne ou des colons, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles palestiniennes, et au moins 18 Israéliens parmi lesquels des soldats dans des attaques palestiniennes ou lors d’opérations de l’armée en zone autonome palestinienne, selon les données officielles israéliennes.
Mise à jour : à 13h52, avec l’ajout de la déclaration de Josep Borell.