Informer depuis Gaza est extrêmement compliqué. Aucun journaliste ne peut y entrer, à l’exception de brèves incursions au sein d’unités de l’armée israélienne. Seuls ceux qui étaient sur place avant le 7 octobre continuent d’informer sur la situation. Parmi eux, des reporters de l’Agence France-Presse, dont nous publions ce jour le reportage.
Dans la pénombre des couloirs de l’hôpital Kamal-Adwan dans le nord de la bande de Gaza, le téléphone portable est désormais aussi essentiel que le stéthoscope pour les médecins qui peinent à travailler avec des générateurs à sec. C’est à la lumière des lampes de leurs téléphones, qu’infirmiers et médecins se déplacent, auscultent les patients ou rédigent leurs rapports.
Ayman Zaqout, qui vient d’être admis pour des coliques néphrétiques, attend dans une pièce obscure. Entre ordres d’évacuation, frappes de l’armée israélienne et combats, il a souffert longtemps avant de rejoindre l’hôpital Kamal-Adwan de la ville de Beit Lahia. Grimaçant de douleur, il raconte avoir été surpris à son arrivée à l’établissement. «Il n’y avait pas d’électricité et je ne sais pas comment ils vont pouvoir me traiter dans ces circonstances», s’interroge-t-il.
Avec les pénuries de carburant dans le petit territoire assiégé depuis plus de dix mois, plusieurs des rares hôpitaux encore fonctionnels ont dû fermer des services.
Prématurés «menacés de mort»
Peu après l’arrivée d’Ayman Zaqout, l’hôpital «a cessé d’accueillir des patients», explique à l’AFPTV l’un de ses médecins, Mahmoud Abou Amcha, «parce que les organisations internationales ne l’approvisionnent plus avec le carburant nécessaire aux générateurs». Quant à l’unité de distribution des bouteilles d’oxygène, elle «est totalement arrêtée», poursuit-il.
Reportage
Au début de la guerre déclenchée par l’attaque meurtrière du Hamas en Israël le 7 octobre, l’unique centrale électrique de la bande de Gaza a été mise hors d’usage et Israël a coupé son raccordement avec l’enclave palestinienne. Depuis, les citernes d’essence entrent au compte-goutte comme toute l’aide humanitaire qui transite par les terminaux de Gaza, tous tenus par l’armée israélienne.
En cas de grosse urgence – une frappe aérienne très meurtrière dans les environs ou un afflux soudain et massif de blessés –, il reste l’énergie solaire. «Mais elle ne peut pas être utilisée pour les patients qui ont besoin d’équipements électriques vingt-quatre heures sur vingt-quatre», poursuit le médecin.
Les couveuses énergivores à l’arrêt abritent des nourrissons prématurés désormais «menacés d’arrêt cardiaque et de mort», alerte Mahmoud Abou Amcha. Aux soins intensifs, «sept patients» sont sous respirateurs et «mourront à cause de la pénurie de carburant».
«Service minimum»
Les 2,4 millions de Gazaouis, quasiment tous déplacés, n’ont plus que 16 hôpitaux qui fonctionnent, tous partiellement, selon l’ONU. Et les pénuries de carburant «menacent les ambulances», indispensables après près de onze mois de guerre qui ont fait plus de 40 000 morts et 93 000 blessés, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas.
L’hôpital Al-Awda, au nord de la ville de Gaza, attend lui aussi désespérément une livraison de carburant pour relancer ses générateurs. «Il y a deux jours déjà, nous avons fermé certains services et repoussé des opérations, cela met en danger les malades et les blessés», affirme à l’AFP Mohammed Salha, directeur par intérim de l’hôpital. Depuis, il assure «le service minimum» grâce à d’autres hôpitaux qui «ont donné une part de leur stock de carburant».
Le ministère de la Santé à Gaza a tiré récemment la sonnette d’alarme sur le sort de «centaines de patients» de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa à Deir al-Balah, plus au sud. «Les opérations militaires israéliennes s’en rapprochent», a-t-il prévenu, réclamant «la protection» des organisations internationales.