Assise devant un micro, les cheveux noirs soigneusement tirés, Noa Argamani a accepté de prendre la parole. Lors d’une réunion avec des représentants des ambassades du G7 à Tokyo ce mercredi 21 août, la jeune femme de 26 ans a raconté les huit mois de captivité qu’elle a endurés à Gaza, après avoir été enlevée par le Hamas le 7 octobre 2023. «Tous les soirs, je m’endormais en me disant que c’était peut-être la dernière nuit de ma vie», a-t-elle rapporté, en visite au Japon avec son père.
«Et jusqu’au moment où j’ai été [sauvée]... Je n’arrivais pas à croire que je pouvais encore survivre, a-t-elle ajouté, face à quelques journalistes et de hauts diplomates. Que je sois ici assise avec vous maintenant, c’est un miracle.» Le 7 octobre, Noa Argamani se trouvait sur le site du festival de musique électro Tribe of Nova quand des membres du Hamas l’ont emmenées de force. Les images de son enlèvement, bouleversantes, avaient fait le tour du monde, et fait de son visage l’un des symboles des otages israéliens. Sur la vidéo, on voit la jeune femme embarquée à l’arrière d’une moto, implorant «Ne me tuez pas! Ne me tuez pas !» Les images montrent aussi son petit ami, Avinatan Or, un ingénieur, emmené séparément par deux hommes à pied.
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Etudiante en génie informatique, Noa Argamani a expliqué qu’au cours de ses huit mois de captivité, elle a été déplacée d’innombrables fois dans différents endroits, y compris dans des tunnels. «J’ai perdu beaucoup de poids... Nous buvions moins d’un demi-litre par jour, et il y avait des jours où nous n’avions pas le droit de boire du tout», a-t-elle déclaré face à la presse, précisant qu’elle ne se douchait que deux fois par mois malgré la chaleur et l’absence de climatisation.
«Vous pensez que ce sera votre dernier jour»
Pour tenir, la jeune femme fait de la méditation en «pleine conscience», et se raccroche au souvenir de bons moments. Penser à «la plongée sous-marine, tout ce que j’aimais faire pendant mon temps libre avant, ça m’a vraiment aidée à me détendre, à savoir que si aujourd’hui je vais bien, je n’ai pas besoin de m’inquiéter pour l’avenir», a-t-elle poursuivi. «Mais c’est vraiment difficile d’être tout le temps dans les souvenirs parce qu’il y a des nuits, des jours où vous entendez les bombardements en permanence et vous pensez que ce sera votre dernier jour».
Lors de ces huit mois de captivité, les parents de la jeune femme multiplient de leur côté les interviews et les appels à l’aide pour obtenir la libération de leur fille, allant jusqu’à interpeller le président américain, Joe Biden. Plus de trois mois après l’enlèvement, le 14 janvier, ils apprennent dans une vidéo de propagande diffusée par le Hamas que Noa Argamani est encore en vie. Elle apparaît sur les images face caméra, au côté de deux autres otages, pour demander à Israël de les libérer. Le lendemain, son visage est une nouvelle fois utilisé par ses ravisseurs pour annoncer la mort des deux hommes dans une frappe israélienne.
Ce n’est que des mois plus tard, le 8 juin, que le calvaire prend finalement fin. Ce jour-là, l’armée israélienne annonce avoir libéré quatre otages en vie, à l’issue d’une opération militaire «difficile» à Nousseirat, dans le centre de l’enclave palestinienne. Parmi elles : Noa Argamani, mais aussi Almog Meir Jan, 21 ans, Andrey Kozlov, 27 ans, et Shlomi Ziv, 40 ans, tous enlevés lors du festival de musique.
נועה ארגמני נפגשת עם אביה לאחר שחולצה משבי חמאס pic.twitter.com/ZxDvnQ3D0R
— Haaretz הארץ (@Haaretz) June 8, 2024
«Nous devons tous les ramener»
Après sa libération et après avoir retrouvé son père, Noa Argamani s’est rendue à l’hôpital de Tel Aviv, où sa mère Liora suivait un traitement contre un cancer du cerveau. Cette dernière est décédée depuis. Le mois dernier, la jeune femme avait fait parler d’elle en assistant à un discours de Benyamin Nétanyahou aux Etats-Unis, devant les parlementaires américains. Une décision qui avait suscité des critiques de la part des familles d’autres otages, qui accusent le Premier ministre israélien de traîner des pieds sur un accord de trêve qui pourrait permettre la libération de leurs proches.
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Ce mercredi, Noa Argamani – qui dit vouloir œuvrer pour sensibiliser l’opinion au sort des otages – a aussi tenu à adresser un message à son compagnon. «Avinatan, mon petit ami, est toujours là-bas, et nous devons tous les ramener avant qu’il ne soit trop tard. Nous ne voulons pas perdre plus de gens que nous n’en avons déjà perdus», a-t-elle imploré. «Je pense qu’il ne sait pas encore que j’ai été libérée. Je veux juste lui dire qu’il doit prendre soin de lui, et je l’attends à la maison et je fais tout ce que je peux pour le ramener chez lui auprès de sa famille et auprès de moi aussi.»
Sur les 251 personnes enlevées le 7 octobre par le Hamas, 105 sont toujours retenues à Gaza selon Checknews, alors qu’Israël a annoncé avoir récupéré le corps sans vie de six otages mardi 20 août. Selon les estimations des forces armées israéliennes, le nombre de personnes présumées vivantes détenues s’élève à 72. Les corps de 33 personnes seraient aussi encore détenues par le Hamas, tuées en captivité ou lors des attaques.